C'est un peu triste, mais c'est ainsi : en ce centième aniversaire de la naissance de Dino BUZZATI (1906-1972), presque aucun évènement n'est prévu dans notre pays de déculturés. Je me rappelle l'avoir connu grâce à ma famille, et l'avoir ensuite brièvement étudié en sixième (c'était Le K / Il colombre) et plus longuement en terminale (Le désert des Tartares / Il deserto dei Tartari). J'avais apprécié, mais pas autant qu'aujourd'hui, la lecture de ces nouvelles au ton reconnaissable et à l'écriture parfaitement maitrisée, sans un mot superflu, ni trop courtes.
Dans L'écroulement de la Baliverna (Il crollo della Baliverna), c'est une trentaine de nouvelles qui évoquent, sous un apparent pessimisme (en réalité un simple fatalisme qui tient autant su stoïcisme que du catholicisme), une recherche de la libération métaphysique du narrateur, parfois un pécheur, souvent un personnage plus flou, qui aurait aimé pécher, mais qui ne l'a pas tant fait que cela. Je n'en sens jamais Dieu absent, bien que cette référence ne soit pas verbalement lourde. Et c'est tant mieux, l'effet n'en est que plus grand. Parmi ces nouvelles, trois m'ont particulièrement plu :
"La machine à arrêter le temps", où un savant plein de démesure (on m'avait appris à l'époque du lycée que le mot grec "hybris" faisait mieux... ) trouve le moyen de ralentir le temps dans un lieu bien délimité mais, encore un peu prudent, ne se soumet pas lui même à l'expérience.
"Le dénonciateur" : nouvelle romaine (les personnages ont curieusement tous de snoms en -o en non en -us), où un sénateur est torturé par le remortds d'avoir trop parlé.
Enfin, "L'homme qui voulut guérir" qui m'apparaît comme une très belle mise en scène d'un acte de foi.
La lecture du Le Désert des Tartares m'avait fait entrevoir la chape de plomb du destin que cet auteur se plaisait à décrire comme nul autre, et avec une économie de moyen qui encore une fois, tient plus de la maitrise la plus absolue que de quoi que ce soit d'autre.
Je ne peux qu'inviter le lecteur curieux à (re)lire L'écroulement de la Baliverna (et qu'il ne se laisse pas décourager par la contestable couverture de l'édition Folio). Je ne peux par ailleurs que souhaiter la réédition du recueil de ses Oeuvres dans la collection Bouquins, de Robert Lafond.