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2009 Au fil de la plume 日記

  • Quelques contradictions du discours officiel sur le métissage

    Etant dans un avenir plus ou moins proche amené à avoir un enfant métis, je reviens sur cette pensée unique du métissage à outrance que nous déversent à longueur de journée les media français.

    On nous présente le métissage comme un état en soi supérieur à celui de "Français de souche" (soyons clair, de Français blanc). Or, qu'on le veuille ou non, le métissage n'est rien de moins qu'un simple état de fait biologique. On nous dit que les métis sont riches de deux cultures. Je réponds qu'ils ne le seront que si on les cultive suffisamment. Une culture n'est pas un acquis biologique, c'est le contraire par essence. S'il n'y a pas d'effort des parents et / ou de l'entourage pour transmettre, le métis peut tout à fait, au contraire, se trouver in-culte. Et quand bien même il serait élevé dans la culture (une éducation humaniste), en quoi et au nom de quoi le Blanc lui serait-il nécessairement inférieur ? Je ne vois pas pourquoi, par exemple,  des sociétés traditionnelles revendiquant des traditions anciennes qui leur sont propres seraient nécessairement inférieures à des sociétés culturellement et / ou ethniquement plus hétérogènes. Je ne vois là aucune raison de créer une "loi". Au contraire, il est impossible de généraliser.

    En me promenant dans la banlieue (dont je suis moi-même un peu sorti), je croise rarement des gens supérieurement cultivés. Je rencontre plutôt des êtres égarés connaissant aussi mal leur pays (la France) que le pays d'origine de leurs parents.

    Autre point intéressant à considérer : on nous dit que le métis est supérieur aux ethnies homogène. J'en déduis qu'un métis blanc-noir est supérieur à un Noir. Comment est-ce possible, puisque l'idéologie actuelle ne cesse de nous répéter que l'homme blanc est chargé de toutes les tares ? Au lieu de corrompre son partenaire noir dans le métissage, le Blanc, par l'opération du Saint-Esprit de la richesse culturelle, permettrait donc au Noir de s'élever encore plus qu'il ne l'est, en créant le métis, qui est l'aboutissement ultime de l'humanité.

    Pour conclure, et afin qu'on ne me prenne pas pour un raciste, car je suis tout sauf ça (je rappelle que je suis un travailleur étranger issu d'une minorité visible dans le pays où je travaille), je pense que cette idéologie qui postule la prééminence d'un état (le métissage) (dont je viens de dire qu'il n'était qu'un état de fait biologique) sur un autre (le "non-métissage") est pour le coup, raciste, et ne soutient aucunement un examen sérieux. C'est l'apprentissage actif de la culture qui détermine si oui ou non une personne est culturellement riche. On trouve des ignares et des imbéciles partout, quelle que soit leur couleur de peau.

    J'ai presque honte d'écrire de telles banalités, mais il me semble que le simple bon sens a déserté beaucoup de têtes en France.

  • Allez, dégagez-moi ça d'là ! 青山霊園について

    Récemment, je suis allé faire une petite marche dans le centre géographique de Tôkyô, plutôt tranquille, où se situe le cimetierre d'Aoyama, 260 000 m2, le Père Lachaise japonais, en plus riant peut-être mais un poil moins prestigieux, où reposent des membres de l'élite de la ville et du pays. L'emplacement, pour une durée strictement limitée, est hors de prix. On y trouve notamment la plupart des hommes politiques de la Resatauration de Meiji (par ex. OOKUBO Toshimichi), des fondateurs d'entreprise, des généraux, des écrivains (ex. KUNIKIDA Doppo)... Et un minuscule carré réservé aux Occidentaux (appelés ici gaijin 外人 avec une nuance de mépris, le terme neutre étant gaikokujin 外国人). Parmi eux, des missionnaires, des diplomates, des interprètes, et surtout des inconnus. Certains sont là depuis la fin du XIXe siècle. Au détour d'une allée, je suis tombé sur la tombe d'un Suisse dont le nom avait été transcrit n'importe comment en japonais. A côté était placardé un papier rédigé en style administratif et enjoignant à la famille de se manifester pour renouveler la concession dans les quinze jours, sous peine de voir la tombe réaffectée par les autorités. Qui sait si le pauvre défunt a encore de la famille. Si c'est le cas, la probabilité qu'elle vive au Japon est mince, et si elle vit en Suisse, qu'elle passe voir la tombe au Japon à ce moment-là est encore plus rare. Quelle tristesse que d'imaginer le pauvre squelette de celui qui fut probablement un amoureux du Japon être jeté à la fosse commune, voire pire, dans une décharge publique ou incinéré avec des ordures ménagères triées comme combustibles (rejets ménagers, mouchoirs sales, poussière et autre vomissures). J'ajoute que quelqu'un, surpris comme moi de la transcription fantaisiste du nom, l'avait corrigé au stylo bille sur la sèche affiche.

    Pas étonnant de voir de plus en plus de Japonais acquérir des tombes à la campagne, où les baux emphytéotiques sont déjà possibles, et ensuite bien moins chers que dans la région de la capitale. Malgré la double tradition de l'inhumation (plus ancienne) et de la crémation (amenée par le bouddhisme et favorisée à Tôkyô à cause du manque de place), il semblerait que de plus en plus de gens aspirent à se faire enterrer plutôt qu'incinérer. Personnellement, je crois que servir de nourriture aux petites bêtes de la terre et reposer à la campagne au côté de mon grand père ne serait pas si déplaisant, dans l'idée.

  • Histoire du juif converti chez Lapinos

    Je signale un passionnant article de Lapinos sur l'histoire d'un juif converti de Boccacio.

  • Zebest n'a pas laché l'affaire

    Après une traversée du désert aussi studieuse que laborieuse, des épreuves et une quasi-crucifixion des jambes, je suis de retour, et plus fort que jamais, car c'est bien connu, ce qui ne (me) tue pas (me) rend plus fort. J'ai fini par accepter ce que mes lectures m'avaient fait comprendre rationnellement, et il y a un monde entre les deux. C'est pourquoi il est souvent intéressant de relire certains livres plusieurs années plus tard : on les appréhende et les apprécie (les juge ?) d'une tout autre façon. Je ne pensais pas que les Pensées de Marc-Aurèle, la Bible et Balzac notamment reviendraient après tant d'années me toucher ou m'interroger davantage qu'ils ne l'avaient fait lorsqu'à dix ans j'en commençai la lecture.

    Finis pour moi la course aux honneurs, l'émulation. Tout ce à quoi j'aspire, c'est à être quelqu'un de moralement bien. C'est déjà extrêmement difficile, alors pourquoi perdre son temps avec les honneurs qui ne sont que des vanités bonnes seulement à nous détourner des deux buts suprêmes de la vie : apprendre à aimer son prochain, ou au moins s'abstenir de lui nuire, et apprendre à mourir ? Des expériences de précarité professionnelle et dans mon corps m'ont fait comprendre au plus profond l'importance de ces choses si faciles à saisir rationnellement et si dures à appliquer. J'ajoute un but incident à la vie : faire ce pour quoi l'on a des dispositions dans l'intérêt des autres. En ce qui me concerne, je vais continuer à raconter mes petits riens et mes petites histoires dans l'infini hiver d'Internet, au milieu des insectes les plus venimeux, car c'est ainsi. Il y aura ma voix en plus, une petite voix parmi d'autres qui tentera d'envisager les choses avec calme et bienveillance. Et s'il se trouve ne serait-ce qu'une seule personne qui trouve quelque intérêt à mes radotages, qu'elle soit la bienvenue. Je pourrai alors me flatter de ne pas avoir perdu mon temps.

    Ayant abdiqué toute ambition, je serai plus que jamais intraitable avec moi-même en matière de littérature, et que le lecteur sache que si je poste peu sur ce blog, ça n'est pas pour autant que je n'écris rien, bien au contraire. Je travaille toujours à ma nouvelle posthume, un texte qui fera jaser après ma mort. On me redécouvrira. On se demandera qui j'ai été, et comment j'ai pu écrire presque l'essentiel de mon oeuvre sans jamais ne serait-ce que chercher à la faire publier. Voici déjà un élément de réponse : premièrement, courir des éditeurs récalcitrants prends du temps, et j'ai mieux à faire ; deuxièmement, arriver à être publié flatte l'orgueil, et pousse à la vanité. Je ne le veux pas. Donc pour garder la tête froide et faire ce que j'ai à faire (écrire pour le lecteur potentiel présent ou à venir), je dois me consacrer à ma tache et non m'interroger sur ma popularité. Les "gens célèbres", "les people", ont la vie la plus éloignée de ce que je recherche. La célébrité : son image volée, vendue et affichée partout de gré ou de force, des anonymes qui vous idolâtrent ou vous haïssent hors de raison, tout cela me donne un haut le corps frissonnant. Pour être heureux, dans 99% des cas, il faut vivre "caché". Dans cet espace, je ne serai que par mes mots, mes éventuelles petites idées, voire le petit rayon de fraternité humaine qui s'échappera d'une phrase, ça et là, pour vous.

  • Un épisode de collège

    La triste affaire de cette enseignante d'anglais menacée anonymement par ses élèves parce qu'elle leur interdisait de téléphoner en classe a fat remonter en moi l'anecdote suivante.

    A l'époque où j'étais en sixième (il y a de cela tant d'années), nous avions un professeur d'EPS que j'aimais bien, moi qui étais mauvais en sport. Il nous avait fait faire de la lutte, et là, je battais tout le monde, sauf un, un grand garçon plus âgé, plus grand et costaud que moi. J'acceptais bien la chose, car je restais le meilleur de ma classe d'âge et je montrais que l'intello n'est pas nécessairement un gringalet à lunettes et noeud papillon avec la raie au milieu, des cheveux plaqués et un appareil dentaire. Je signale au passage que je n'avais ni n'ai depuis aucun de ces signes extérieurs, bien que je n'aie rien contre les noeuds papillons lorsqu'ils sont portés aux grandes occasions.

    Bref, le prof de gym était un homme moral, un brave homme, juste et pas sadique, plutôt compréhensif, mais ferme. Il appliquait l'éthique du sport à sa manière d'enseigner. Or cette année-là, il y avait dans la classe trois jeunes écervelés, des fils de riches qui se croyaient tout permis, qui répondaient aux enseignants avec insolence, buvaient de l'alcool devant les salles de cours et fumaient des pétards en soirée (auxquelles ils ne m'invitaient pas, donc il m'est impossible de savoir au juste ce qu'ils y faisaient). Ils ne manquaient d'ailleurs jamais de raconter à qui voulait l'entendre (ou pas d'ailleurs) le récit de leurs prouesses sexuelles d'enfants de onze ans. Aujourd'hui, je suis beaucoup moins naïf que je ne l'étais et je sais faire la part des choses.

    Un jour, un de ces garnements poussa le bouchon trop loin et fut rappelé à l'ordre par l'enseignant. Le ton monta, l'élève fut grondé, il répondit et finit par recevoir une heure de colle ou quelque punition du genre. Au lieu de reconnaître avec esprit sportif qu'il était effectivement allé trop loin et qu'il n'avait eu que ce qu'il méritait (peut-être le reconnaitrait-il aujourd'hui si on lui rappelait l'anecdote), il en conçut une rancoeur haineuse et convainquit sans la moindre peine ses compagnons de jeu de partager sa colère féroce. Ils élaborèrent un plan de vengeance auquel, à ma stupeur d'alors (qui reste intacte aujourd'hui) ils associèrent le reste de la classe sans qu'aucune voix discordante, sauf la mienne, se fît entendre. Ils était d'accord pour aller trouver le principal et lui dire que l'enseignant avait frappé l'élève de toutes ses forces, à plusieurs reprises, devant témoins. Les fausses déclarations furent minutieusement préparées. Il fut même décidé du jour et de l'heure. Je ne sais pas par quel miracle mes protestations les arrêtèrent : peur d'être dénoncés ? brusque retour à la réalité ? Ils auraient très bien pu, au contraire, croire qu'il leur suffisait de me menacer, et/ou de me tabasser pour me faire taire. Mais ils n'y ont pas songé. Tant mieux pour moi, tant mieux aussi pour l'enseignant bien sûr.

    Depuis ce jour, je n'ai plus regardé mes camarades de classe avec le même oeil. Ils étaient capables d'une complicité qui aurait pu détruire la carrière, peut-être la vie d'un homme innocent et intègre sans le moindre scrupule. Et que cela n'ait pas eu lieu ne semblait pas non plus les soulager d'une quelconque façon, puisque leur conscience ne les travaillait pas.

    Si je raconte cesse anecdote (ici pour la première fois), ça n'est pas pour me faire passer pour ce que je ne suis pas, mais pour remarquer qu'à ce moment-là, le glissement vers le mal par le biais de la camaraderie, du "je fais ce que je veux, parce qu'il m'a cassé les pieds" (pour parler avec euphémisme), m'ont fait entr'apercevoir ce qui pouvait mener une société humaine à l'ignominie. Je pense que je n'ai pas eu de mérite du tout, seulement que je suis resté normal, alors que j'ai vu autour de moi mes voisins devenir des monstres en puissance. Mes dernières illusions concernant l'adolescence se sont évanouies ce jour-là. J'ajoute que j'aurais réagi de la même façon s'il s'était agi d'un enseignant que je n'aimais pas mais tout aussi innocent.