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Connaissez-vous ces gens ?

"En une seconde, et comme entre deux éclairs, il sentit l'indifférence profonde, insurmontable, l'énorme indifférence de ces gens rassemblés, polis par la sottise, l'illusion et le mensonge, polis par la vie, comme des galets par le flot. La révélation d'aucune lâcheté, d'aucune trahison, n'était capable de ranimer en eux, même pour un instant, ce qu'ils s'étaient donné tant de peine à détruire, cette espèce de fierté humaine qu'ils méprisaient chez les autres, ainsi qu'une grossièreté, tour à tour dangereuse ou ridicule. (...)

Rien ne peut plus troubler ces coeurs cruels dont la légèreté est à l'épreuve de toutes les mauvaises surprises de leur incohérente vie, pourvu que soit préservé un certain accord indispensable, un certain rythme, que soient observées du moins certaines règles mystérieuses auxquelles leur faiblesse se conforme d'instinct. Leur petite société artificielle vit et prospère en vase clos, et les passions qui s'y développent, si violentes qu'on les suppose, ne s'y expriment qu'en signes conventionnels, sont soumises à un contrôle sévère, à une discipline formelle qui en modifie rapidement le caractère et les symptômes. A la longue, rien ne ressemble moins à un vice ouvert, intrépide, que le même vice transformé par une dissimulation nécessaire, cultivé en profondeur. On peut faire cette observation partout, mais jamais plus utilement que parmi ces hommes singuliers qui vivent à distance égale du monde [XXX] et du monde politique pour s'entremettre patiemment, diligemment entre l'un et l'autre, maintenus dans l'ombre par la nature même de leurs manœuvres toujours secrètes, intermédiaires officieux et sans cesse désavoués, esclaves-nés des circonstances et des conjonctures, démagogues honteux, orthodoxes suspects, n'ayant rien en propre, ni la doctrine qu'ils empruntent aux partis triomphants, ni même le langage calqué bizarrement sur le style des rapports et des mandements, avec ce tour impayable, qu'une certaine littérature a propagé dans le monde. De servir une ambition démesurée, une envie exaltée jusqu'à la haine maladive du genre humain sous les apparences sacrilèges du zèle [XXX], quelle gageure ! (...) Comment ne pas prendre en pitié ces misérables que l'hypocrisie professionnelle, parfois presque inconsciente, a rendus si sensibles à l'air du dehors, au moindre choc, qui ne peuvent durer qu'à force de précautions et de soins minutieux, que le plus petit élan de sincérité détruirait sans doute, car ils ne sont plus en état de supporter une si forte dépense de leur être ! Et comment encore ne pas accorder quelque admiration, malgré tant de rivalités sournoises, à l'étroite solidarité qui les rassemble, à travers un monde hostile, ainsi qu'un malheureux troupeau. (...)

Car toute violence leur est un outrage, les jette comme hors d'eux-mêmes, dans une espèce de délire sacré. Pareils à ces chiens qui, entre deux adversaires, sautent à la gorge de celui qui crie le plus fort, leur premier mouvement est de haïr et de réprimer l'audacieux..."

Remplacez [XXX] par l'adjectif de votre choix.

Qui est l'auteur de ce chef d'oeuvre ?

Georges BERNANOS, dans L'imposture.

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