Après une traversée du désert aussi studieuse que laborieuse, des épreuves et une quasi-crucifixion des jambes, je suis de retour, et plus fort que jamais, car c'est bien connu, ce qui ne (me) tue pas (me) rend plus fort. J'ai fini par accepter ce que mes lectures m'avaient fait comprendre rationnellement, et il y a un monde entre les deux. C'est pourquoi il est souvent intéressant de relire certains livres plusieurs années plus tard : on les appréhende et les apprécie (les juge ?) d'une tout autre façon. Je ne pensais pas que les Pensées de Marc-Aurèle, la Bible et Balzac notamment reviendraient après tant d'années me toucher ou m'interroger davantage qu'ils ne l'avaient fait lorsqu'à dix ans j'en commençai la lecture.
Finis pour moi la course aux honneurs, l'émulation. Tout ce à quoi j'aspire, c'est à être quelqu'un de moralement bien. C'est déjà extrêmement difficile, alors pourquoi perdre son temps avec les honneurs qui ne sont que des vanités bonnes seulement à nous détourner des deux buts suprêmes de la vie : apprendre à aimer son prochain, ou au moins s'abstenir de lui nuire, et apprendre à mourir ? Des expériences de précarité professionnelle et dans mon corps m'ont fait comprendre au plus profond l'importance de ces choses si faciles à saisir rationnellement et si dures à appliquer. J'ajoute un but incident à la vie : faire ce pour quoi l'on a des dispositions dans l'intérêt des autres. En ce qui me concerne, je vais continuer à raconter mes petits riens et mes petites histoires dans l'infini hiver d'Internet, au milieu des insectes les plus venimeux, car c'est ainsi. Il y aura ma voix en plus, une petite voix parmi d'autres qui tentera d'envisager les choses avec calme et bienveillance. Et s'il se trouve ne serait-ce qu'une seule personne qui trouve quelque intérêt à mes radotages, qu'elle soit la bienvenue. Je pourrai alors me flatter de ne pas avoir perdu mon temps.
Ayant abdiqué toute ambition, je serai plus que jamais intraitable avec moi-même en matière de littérature, et que le lecteur sache que si je poste peu sur ce blog, ça n'est pas pour autant que je n'écris rien, bien au contraire. Je travaille toujours à ma nouvelle posthume, un texte qui fera jaser après ma mort. On me redécouvrira. On se demandera qui j'ai été, et comment j'ai pu écrire presque l'essentiel de mon oeuvre sans jamais ne serait-ce que chercher à la faire publier. Voici déjà un élément de réponse : premièrement, courir des éditeurs récalcitrants prends du temps, et j'ai mieux à faire ; deuxièmement, arriver à être publié flatte l'orgueil, et pousse à la vanité. Je ne le veux pas. Donc pour garder la tête froide et faire ce que j'ai à faire (écrire pour le lecteur potentiel présent ou à venir), je dois me consacrer à ma tache et non m'interroger sur ma popularité. Les "gens célèbres", "les people", ont la vie la plus éloignée de ce que je recherche. La célébrité : son image volée, vendue et affichée partout de gré ou de force, des anonymes qui vous idolâtrent ou vous haïssent hors de raison, tout cela me donne un haut le corps frissonnant. Pour être heureux, dans 99% des cas, il faut vivre "caché". Dans cet espace, je ne serai que par mes mots, mes éventuelles petites idées, voire le petit rayon de fraternité humaine qui s'échappera d'une phrase, ça et là, pour vous.