J'avais déjà salué l'évènement éditorial que représentait la sortie en français d'une nouvelle traduction de référence, et complète cette fois, des Contes curieux du pavillon des loisirs 聊齋志異 de PU Songling 蒲松齡 (1640-1715) sous le titre Chroniques de l'étrange, par André LEVY, chez Philippe Picquier.
A peu près au même moment (décembre 2005) était sorti Des nouvelles de l'au-delà, un choix de contes de JI Yun 紀昀 (1724-1805), extraits de son recueil Notes de la chaumière des observations subtiles 閱微草堂筆記, dont un choix de textes plus important, Passe-temps d'été à Luanyang, avait déjà été édité, traduit par Jacques DARS.
Il m'est apparu étrange que personne, en dehors des cercles sinologiques savants, n'ait pensé à comparer les deux. Et plus étrange encore que personne n'ait fait le parallèle avec les écrivains européens de la même époque. Avec PU, c'est toute la truculence de l'époque baroque qui ressort avec un certain humour, une sorte de SCARRON fantastique, alors que chez JI, c'est le XVIIIe siècle, tout en concision et en efficacité, qui se révèle à nous, comme chez un VOLTAIRE, le brillant et le génie en moins.
Malgré l'excellence de la traduction de J. DARS, ce qui m'est resté de la lecture du second, c'est l'impression persistante d'être resté sur ma faim. Il manque un je ne sais quoi, une touche d'humour plus naturel, des descriptions plus longues, plus vivantes. C'est un peu sec, et c'est dommage, car au niveau du fond, ce serait plutôt une excellente base. Est-ce à dire qu'il ne faudrait pas lire ce livre ? Non pas, au contraire. Il m'a fait passer de bons moments. Ce qu'il faut juste, c'est ne pas trop s'emballer avant. Quand on le lit sans espoir particulier, on est au contraire assez agréablement surpris. Vous y découvrirez des scènes de ménage de renards, des squelettes de grand-mères souillées par leur petit fils, des fantomes accueillants mais moralisateurs, des concubines battues par des esprits et des mauvais garçons punis par des magiciens.
Je me demande d'ailleurs ce que cela pourrait donner dans la version plus longue sus-citée (Passe-temps...), la quantité jouant positivement.
J'ajoute enfin que les Chroniques de l'étranges sont rééditées au format de poche, toujours chez Picquier. Je n'ai pas encore pu vérifier s'il s'agissait d'un choix ou de la version intégrale (dans ce cas, il faudrait encore environ trois volumes).
JI Yun: Des nouvelles de l'au-delà, Folio, n°4326, Gallimard, Paris, 1998, 2005, 2006, 2€ (pour ce prix-là, autant encourager Gallimard à continuer de publier des auteurs chinois).