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émotion

  • Emotion ? Ou pas. TNT etc.

    Récemment, avec le passage prochain à la TNT de gré ou de force, j'en suis venu à me documenter sur les derniers modèles de téléviseurs. Mon père, passionné de hifi (ce qui n'est pas mon cas, même si du bon son et une bonne image ne sont jamais désagréables, évidemment), me conseille les écrans à cristaux liquides à rétro-éclairage par diodes électro-luminescentes (LED). OK, je vois bien la différence, quant à la qualité, indéniable, et quant au prix lui aussi indéniable. La qualité se paye, et cela, je ne le conteste pas.

    Il y a plusieurs façons de regarder la télévision. De nombreuses études sociologiques ont été menées sur le sujet, et mon propos n'est pas de prétendre analyser quoi que ce soit. Non. Un concours de circonstances m'a amené à terminer aujourd'hui la lecture des Chouans de BALZAC. Quel rapport ? Eh bien tout vient à point à qui sait attendre. En principe. Bref. Oh, et puis non, je ne parlerai pas de BALZAC ici. Tant pis.

    Savez-vous pourquoi un grand et bel écran me ferait envie ? Mais envie "comme ça", pas "envie envie". Pas pour regarder la télé, justement. Car la télé japonaise, en dehors des chaînes à péage (merci BS2 de relever le niveau) et de la souvent soporifique NHK, c'est 80 % de pub, le reste l'entrecoupant de programmes dont les trois quarts sont des promotions éhontées d'artistes lamentables ou de produits alimentaires, les premiers consommant souvent les seconds sous l'oeil habitué de la caméra (ah, si ça pouvait être l'inverse avec une mentalité à la Léguman). Justement, pour ma dose de bêtise quotidienne, j'aime autant un petit écran et une image perfectible, qui donnent à la chose un côté anodin et sans conséquences dommageables. Alors qu'avec un grand écran et un gros sound system, on devient le cobaye de ce que le monde télévisuel a prévu. On est en position d'infériorité face à la lucarne qui ne se fatigue jamais de nous abêtir 24 heures sur 24. A la base, j'aurais envie d'un beau téléviseur pour regarder des films et jouer à la console dans les meilleures conditions de confort et de spectacle. Seulement voilà. Je n'ai jamais aimé perdre le contrôle de moi, à commencer par mes émotions. Or, que se passe-t-il face à un écran géant qui nous écrase, une musique qui nous pousse à ressentir. Le son n'est pas le pire, car il suffit de baisser le volume, mais la taille de l'image ? C'est un tiraillement typiquement masculin d'après mon entourage : le désir d'avoir la plus grosse et la plus performante (prolongement phallique évident comme bon nombre de passions viriles) et l'aspiration à garder le contrôle le plus étendu possible de soi, à commencer par ses émotions : il s'agit donc du conflit entre mon côté primaire, et mon côté secondaire. Plus j'y pense, et plus je me dis qu'un grand et beau téléviseur en ma possession, je ne m'en servirais que comme moniteur, l'antenne détachée, le volume sonore moyen voir bas, la luminosité en mode éco. Pour le moment, je me rassure en pensant à mon actuel petit téléviseur d'occasion qui me satisfait entièrement. Contrairement à beaucoup de gens, les gros achats me mettent mal à l'aise. Heureusement, jusqu'à présent, ils furent peu nombreux. 
    Bref, lorsqu'on parle de téléviseur, tout le monde pense à taille, performance, consommation et coût, mais très peu de gens évoquent la position de faiblesse nerveuse dans laquelle nous place un tel système. Le home cinema ou home theatre ("cinéma domestique" en bon français) joue avec le feu en nous rendant plus petit que ce que l'on voit, plus malléables, surtout les enfants. A ces émotions ainsi violemment sollicitées pour ne pas dire "forcées", je préfère le détachement. A la facilité, à la sensation forte, pour séduisantes qu'elles soient, le recul, le retrait.

    Mais de temps en temps un jeu bien bourrin s'avère aussi nécessaire.

    PS : j'entends déjà les bobo dire : "au lieu de se payer une télé, il ferait mieux de nourrir des petits Haitiens". Oui, et j'ajouterais : "et pas que des petits Haitiens. Des petits Ethiopiens aussi, des Indonésiens, des Biaffrais, et les SDF du coin" (qui meurent de faim sous les fenêtres isolées de ces mêmes bobos de centre ville ou loin des splendides villas de la France d'en-haut).