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barbey

  • Chouans ? バルザックの作品における「シュアン」(反革命主義者・国王支援者)とコランタンでか

    Fort occupé par des activités de traduction mais aussi et surtout en raison de ma paresse (dont je suis le premier à me plaindre), j'ai délaissé ma chère littérature, mes petites histoires. Pourtant, je n'ai pas cessé de lire. Je me suis même mis à lire beaucoup, je dirais presque goulûment si je ne lisais pas si lentement. J'ai une lecture par balayage. Je lis deux fois chaque paragraphe. C'est comme un réflexe. La première lecture laisse des couleurs, une esquisse d'image, et la seconde amène du sens. J'ai toujours lu comme ça. Je lis plus lentement que pas mal de gens, mais ce que je lis, je le retiens peut-être mieux et le saisis plus en profondeur que bien des "lecteurs rapides". Très souvent, j'arrive à retrouver un passage en me rappelant s'il était en haut ou en bas de la page de gauche ou de droite. Étrange petite faculté qui ne me sert pas si souvent.

    Bref Après Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes, qui continuent et closent le "cycle de Vautrin", me voici dans Les Chouans qui, à l'inverse, ouvre La Comédie humaine et introduit le personnage de Corentin. Déplaisant dans Une ténébreuse affaire, mais déjà doué, le voilà en Incroyable directorien et déjà limier. Cet alter-ego de Jacques Colin alias Vautrin est un des personnages les plus profonds de Balzac, un personnage à la fois plus vrai que nature, et tellement bien rendu par l'écriture balzacienne qu'il est une preuve de ce que l'intelligence romanesque peut faire de mieux. Jamais Balzac n'aura su, à mon sens, aussi subtilement glisser sa désapprobation morale pour un personnage dont il approuve et soutient la cause. Il est ce que l'homme Balzac ne veut pas voir, mais ce que l'écrivain se délecte à décrire : un flic, un limier, un chien au flair hors pair, un traqueur qui se salit les mains, qui sacrifie sa vie privée (il dit lui même qu'il n'en a pas). Il préfigure un peu le policier de La promesse de Dürrenmatt qui plonge dans le puits de désespoir d'une affaire insoluble. Corentin, lui, réussit aussi dans sa quête, mais si c'est très rapidement, en tout cas y perd-il son maître et son collaborateur estimé. En tout cas, voici comment il nous apparaît au tout début :

    "Un petit homme sec et maigre caracolait, tantôt en avant, tantôt en arrière de la voiture (...) Le costume de cet inconnu présentait un exact tableau de la mode qui valut en ce temps les caricatures des Incroyables. Qu'on se figure ce personnage affublé d'un habit dont les basques étaient si courtes, qu'elles laissaient passer cinq à six pouces du gilet, et les pans si longs qu'ils ressemblaient à une queue de morue, terme alors employé pour les désigner. Une cravate énorme décrivait autour de son cou de si nombreux contours, que la petite tête qui sortait de ce labyrinthe de mousseline justifiait presque la comparaison gastronomique du capitaine Merle (1). L'inconnu portait un pantalon collant et des bottes à la Souwarow. un immense camée blanc et bleu servait d'épingle à sa chemise. Deux chaînes de montre s'échappaient parallèlement de sa ceinture ; puis ses cheveux, pendant en tire-bouchons de chaque côté des faces, lui couvraient presque tout le front. Enfin, pour dernier enjolivement, le col de sa chemise et celui de l'habit montaient si haut que sa tête paraissait enveloppée comme un bouquet dans un cornet de papier. Ajoutez à ces grêles accessoires qui juraient entre eux sans produire d'ensemble, l'opposition burlesque des couleurs du pantalon jaune, du gilet rouge, de l'habit cannelle, et l'on obéissait à une fidèle du suprême bon ton auquel obéissaient les élégants au commencement du Consulat. Ce costume, tout à fait baroque, semblait avoir été inventé pour servir d'épreuve à la grâce, et montrer qu'il n'y a rien de si ridicule que la mode ne sache consacrer. Le cavalier paraissait avoir atteint l'âge de trente ans, mais il en avait à peine vingt-deux ; peut-être devait-il cette apparence soit à la débauche, soit aux périls de cette époque. Malgré cette toilette d'empirique, sa tournure accusait une certaine élégance de manières à laquelle on reconnaissait un homme bien élevé." (chap. 2)

    (1) "ce muscadin à qui on aperçoit à peine les jambes, et qui (...) a l'air d'un canard dont la tête sort d'un pâté".

    On voit, et l'on croit tout deviner du personnage à son apparence de jeune homme à la mode, et pourtant on ne sait rien. Car nul autre que lui (à part Vautrin) ne sait aussi bien cacher son intention profonde et manier le déguisement avec autant de brio.

    Plus loin, Corentin est comparé avec un jeune (premier) militaire de la marine en ces termes :

    "Autant l'oeil bleu du militaire était franc, autant l'oeil vert de Corentin annonçait de malice et de fausseté ; l'un possédait nativement des manières nobles, l'autre n'avait que des façons insinuantes ; l'un s'élançait, l'autre se courbait ; l'un commandait le respect, l'autre cherchait à l'obtenir ; l'un devait dire : Conquérons ! l'autre : Partageons ?" (chap. 2)

    L'un et l'autres sont amenés à faire de grandes choses, l'un par l'éclat dans la lumière, l'autre par la discrétion dans la fange. Mais au final, le limier aura servi la Justice, inflexible, fidèle à son maître envers et contre tout. C'est le plus intéressant, dans ma perpective.

    Dans une future note, je vous parlerai peut-être du Chevalier des Touches, du maître Barbey, le connétable des Lettres. Ou pas.