Une petite visite dans une des plus grandes librairies d'occasion du Japon m'a permis de dénicher 13 des 14 volumes de la première série de SENDÔ Masumi : Etchi えっち Girls Can't Help Falling In Love (Cochonneries : Les filles ne peuvent pas s'empêcher de tomber amoureuses). Comme on peut le constater sur l'illustration, le dessin de SENDÔ était loin de ce qu'il est aujourd'hui. C'était encore en grande partie un graphisme d'élève appliquée de l'école du shôjo manga 少女漫画 (bande-dessinée pour filles), pourtant malgré une évidente imprécision et un trait qui se cherche, on trouve déjà la technique narrative et l'analyse psychologique propres à l'auteur. Les dialogues servent de révélateurs des personnalités et ne sont pas le moindre des charmes de cette histoire. Présentons-en le thème.
Etchi s'articule au tour d'un trio d'héroïnes, lycéennes en terminale : Fumio 文緒 (son prénom signifie "Lettres ensemble"), celle qui représente en quelque sorte la narratrice, une jeune fille au corps particulièrement sexué (très femme) mais encore inexpérimentée physiquement et sentimentalement, Miyoshi 美好 ("Belle et bonne"), la plus enfant des trois, myope avec des couettes et Mako 魔子 ("Enfant magique"), grande jeune fille longiligne, très perspicace de caractère.
On décèle déjà en elles les ébauches des personnages d'Aï (cf. note ad hoc) :
Fumio annonce Mami (la jeune femme enrobée) et Ami (la prostituée) par son physique et son caractère ; Miyoshi est plus proche de Kagami (la jeune étudiante) et Mako fait vaguement penser à Eri (la beauté un peu froide donneuse de leçons mais très tendre), mais alors très vaguement.
Dans ce manga, nous suivons pas à pas les aventures sentimentales et sexuelles des trois jeunes filles, sans tabou ni complaisance. Comme dans Aï, pas de scène "perverse", rien que du vrai (SENDÔ ne cache pas qu'elle utilise nombre de ses souvenirs personnels dans sa création). La voie vers une vie épanouissante en termes d'amitié, d'amour et de sexualité n'est pas droite. Rien n'est facile pour ces jeunes filles romantiques qui luttent contre leurs désirs qu'elles ont du mal à accepter. En 14 volumes, la petite Fumio qui s'effarouchait d'un rien et découvrait son corps devient une femme adulte et responsable.
Outre le dessin, la différence majeure avec Aï réside dans les personnages masculins, nettement moins travaillés et plus grossièrement analysés. Mais il est vrai qu'à cet âge-là, un garçon est plus "basique" qu'une jeune fille.
Je souhaite au lecteur curieux de découvrir cette série intelligente, pédagogique (elle vaut un bon cours de prudence) et sexy (enfin des scènes de sexe représenté avec pudeur (cela peut sembler contradictoire, je sais), réalisme et n'évacuant pas la tendresse), qui n'idéalise pas l'image de la jeune fille en fleur, mais la rend telle qu'elle est, avec ses aspirations opposées, ses incertitudes ; en un mots : ses petites cochonneries et ses explosions de lumière pure.