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La mort du pape (2)

Je reviens sur la mort du pape, qui m'apparaît, (mais je suis loin d'être le seul), comme particulièrement révélatrice de différents phénomènes contemporains.

I Tout d'abord, je me demande si à les morts des deux précédents papes, peu espacées d'ailleurs (hélas pour Jean-Paul), une telle foule s'étais déplacée pour aller rendre un dernier hommage à la dépouille. Il me semble que non. Avec Jean-Paul II, une nouvelle relation au pape s'est installée, une relation passionnée, une relation d'image, au point qu'Alain FINKELKRAUT (pour qui je ne cache pas mon admiration) a pu parler (notamment dans "Qui vive" sur RCJ) de phénomène d'"idolâtrie", et je pense qu'il n'a pas tort. Ce pape, qui nous dit-il, n'en finissait pas de mourir devant les écrans de télévision, a occupé toute sa vie ces derniers, et très peu de monde a lu ce qu'il écrivait. Peu de gens connaissent l'importance capitale de son dialogue avec LEVINAS, en revanche, ses sectateurs le pleurent comme si c'était leur grand père et ses détracteurs ricanent, eux qui se sont moqués de lui et des catholiques en toute impunité. Je défie au passage quiconque de me prouver qu'il est encore "subversif" ou dangereux de se moquer des catholiques. C'est au contraire une solution de facilité, une fausse "provoc'" politiquement correcte, mais passons. Dans l'interview sus-citée, Alain FINKELKRAUT ajoutait que la passion du pape avait remplacé celle du Christ (je nuancerais en ajoutant : concuremment avec le film de Mel GIBSON... ), ce que j'interprêterais de la façon suivante : à un ensemble de données qui ne sont plus connues (l'Histroire religieuse et la théologie de base) est substitué un flot d'images médiatiques liées à des affects primaires (l'amour déchaîné, la répulsion épidhermique, la colère irraisonnée... ). Ce n'est plus le message du pape que l'on écoute (on aurait plutôt tendance à le rejeter en bloc), c'est son image que l'on regarde, qu'on poursuit, qu'on reproduit à l'envi comme si cette représentation devait donner toutes les réponses. Encore une fois l'illustration de la régression intellectuelle des populations incapables (mais ce n'est pas complètement leur faute, j'en suis conscient, et je les plains : d'où un deuxième "hélas !") d'écouter, de réfléchir, je ne parle même pas de lire, grand Dieu (assez d'insanités ! : la lecture, et puis quoi encore ?!) ce que cet homme, détenteur d'une FONCTION, a pu écrire.
En apprenant la mort du pape, j'ai été un peu ébranlé, c'est certain, mais au fond, j'étais content pour LUI que son agonie s'arrête. Et en tant que croyant, je n'étais pas triste pour LUI, car ce qui l'attend est positif. Pleurer sur son cadavre, c'est être égoïste : plutôt que de pleurer sur ce qu'il aurait encore pu faire s'il avait vécu (vous rigolez, ce pauvre homme était souffrant et délégait malgré lui tout le pouvoir à la Curie), en fait ces masses pleurent sur elles-mêmes comme des enfants ! C'est donc de l'égoïsme puéril ! Si l'on croit vraiment à la vie après la mort, seule la mort de nos proches (dont on ne sera privé qu'un bref moment) devrait nous affecter à ce point. Je n'ai pas vécu d'émotion avec Jean-Paul II, ce qui ne m'a pas empêché de le considérer comme une grand pape et un personnage historique de premier plan, un intellectuel profond. Il a accompli son oeuvre, il a souffert et il est mort. Si l'on croit, on ajoute : il est rétribué. Mais il me semble que cet amour débordant devrait davantage être distribué à l'humanité en général, à nos proches, et bien sûr et avant tout à Dieu et au Christ. Le pape est le successeur de Pierre, pas le fils du Christ. C'est un homme au servie des hommes. Respectons l'oeuvre de l'homme, respectons sa FONCTION, et cessons (mais je ne me sens pas visé) de nous apitoyer sur notre sort devant son cadavre qui devrait vite être séparé de ces regards malsains. Que la chair se retire derrière le verbe. Jean-Paul II continuera d'exister pour les catholiques d'aujourd'hui notamment par les conséquences de ses actes, mais aussi par les écrits qu'il laisse. Ayons la curiosité intellectuelle de les étudier, de les interroger. Utilisons nos cerveaux, pour une fois ! Et si Jean-Paul II en devient moins séduisant (puisque dépouillé de son aura médiatique), sa parole nous apparaîtra plus claire et plus profonde, et nous serons davantage à même de comprendre ce qu'il a fait et tenté de faire, ce qu'il a pensé.


II Tout le monde médiatique, et une grande partie de la population reproche l'attitude de Jean-Paul II vis-à-vis du préservatif (essentiellement), mais l'amnésie semble alors dominer, ou la mauvaise foi la plus éhontée, lorsqu'il ne s'agit pas de l'ignorance la plus crasse, marque de notre société française profondément abrutie (hélas encore et bien sûr). Je rappelle que la position du Pape sur le préservatif est conforme à celle du judaïsme dont le christianisme découle, position que l'islam a reprise. Est-ce bien, est-ce mal ? A chacun d'en juger avec ses critères, mais c'est ainsi, et il y a des arguments en faveur de ce choix : pensez-vous qu'il serait cohérent que les églises prêchent le sexe sans autres limites que celles de l'hygiène et du consentement (concept juridique) ? N'est-ce pas leur rôle que de fournir des normes, certes strictes et anachroniques, mais justement porteuses de continuité et inscrivant lesdites religion dans une Histoire ?! Je crois que c'est le rôle du Pape de prêcher la fidélité, de dire que la sexualité hors mariage est mal. C'est ça la morale. Après, nous sommes des grandes personnes. A nous ensuite d'agir en adultes et de faire la part de la raison (le port du préservatif), du vice (le sexe hors du cadre conjugalo-reproductif) et de la morale (rester dans les normes ou s'abstenir). La notion de culpabilité fait partie des bases de la civilisation judéo-chrétienne, et l'Histoire montre qu'on peut tout à fait vivre avec. D'où vient qu'aujourd'hui, toute morale (en particulier la morale sexuelle) soit sytématiquement rejetée comme "ringarde" ou "inhibante" ? N'y a-t-il pas au contraire quelque chose de pathologique dans ce refus adolescent et immature ? La génération de mai 68 se rend-elle compte qu'elle est en train (pas toute seule, mais quand même) de saper les fondations de l'Occident ? L'attitude vis-à-vis du pape n'en est qu'un exemple, mais il est extrêmement lourd de sens et de symbolique.


Il y a urgence. Urgence de retourner à l'étude, d'acquérir des connaissances et d'essayer de réfléchir posément. Urgence d'apprendre à nos enfants à étudier, à lire, à parler et écrire correctement (je n'appelle pas le style SMS écrire), à se tenir tranquille. On n'apprend pas qu'en s'amusant. On apprend aussi avec le sérieux et la distance, auprès de gens qui n'utilisent pas le même langage que nous. C'est par la famille et l'école, les deux conjugués, que nous aurons une chance de nous réinsérer dans la raison. Une foule ignare est la première à être manipulée par des tribuns ou des chefs de guerre. L'Europe vit sa décadence, la sortie du royaume de l'esprit et le croupissement dans la fange d'un monde qu'elle prive de transcendance. Si elle ne veut pas mourir asphyxiée par ses propres excréments, préparant le terrain à tout arrivant (intégrisme islamique ou empire marchand démocratico-impérialiste (les USA)), elle doit revenir, je le répète, et je ne suis pas prêt d'arrêter de le faire, à la morale (que seule la religion cautionne absolument) et à l'étude (au travail, les jeunes ! Arrêtez de vous plaindre et de la ramener : que chacun reste à sa place). La sortie de ce bourbier (pour rester poli) ne se fera pas sans difficultés, et c'est inconscience et/ou stupidité que de prétendre le contraire. A choisir entre la destruction de l'Occident ou de durs efforts pour ensuite s'en sortir, je préfère les durs efforts. J'invite le lecteur, en signe de solidarité, à lire ne serait-ce qu'une page de littérature par jour, pour commencer à mieux employer son temps et exercer son esprit.

Commentaires

  • Il y a des convergences intellectuelles et morales qui, outre leur étonnante ocurrence et l´ampleur de leur champ, donnent de l´espoir, ne serait-ce que par le simple fait de ne pas se savoir seul. C´est pourquoi je vous remercie, et vous encourage à propager ce texte.
    Bien à vous.

    (texte que vous aurez pris soin d´expurger de ses erreurs orthographiques et sémantiques.)

  • Je vous renvoie également à cette dernière note de Slothorp:

    http://slothorp.hautetfort.com/archive/2005/04/06/au_seuil_les_pas_frottes.html

  • Encore une fois,je tiens a saluer la justesse de tes propos;j'ai evoque dans mon precedent post la necessite d'une evolution de la position de l'Eglise sur la question du preservatif;cela ne veut pas dire que je sois en desaccord avec toi sur le fond.
    Seulement,dans la forme,je pense que le message papal etait quelque peu maladroit.Je m'explique.
    3,1 millions d'africains ont contracte le sida en 2004;le continent africain est pourtant le berceau de nombreux chretiens,mais,dans un contexte qu'on ne peut imaginer en occident,ou l'acces a la connaissance ,a l'information,ne sont pas aises,on peut redouter une interpretation "au pied de la lettre" du message de l'autorite religieuse en place.
    Certes,le pape a parle de fidelite,et non de preservatif;et l'on ne peut que le louer de rester fidele(sans aucun jeu de mots)a l'une des bases de la morale religieuse.Cependant,il aurait fallu,me semble t-il,preciser que cet ideal de fidelite,et egalement de respect de la vie(la contraception allant bien evidemment a l'encontre de celui-ci),trouve sa limite lorsqu'il met en peril la vie de milliers,de millions,d'individus.
    En ecrivant ceci,je m'apercois de la difficulte de concilier les deux imperatifs(sauvegarde et affirmation de la morale religieuse;frein a la propagation du fleau).
    La lecture des propos de certains acteurs majeurs de la lutte contre le VIH en afrique,tel M.Nathan Geffen,porte parole du lobby sud-africain Treatment Action Campaign,qui affirme que "Nous pensons que sa position etait un gros obstacle pour ralentir le sida en Afrique", m'invite cependant a pencher en faveur d'une redefinition de la position papale a ce sujet.
    Qu'en penses-tu? J'aimerai avoir ton avis car,pour ma part,je ne cesse de cogiter la-dessus;je n'arrive pas a me determiner de facon claire et precise sur la question.

  • Merci, Ben-j. Une chose m'intrigue cependant : pourquoi tes interventions ne concernent-elles que mes textes sur le pape ?...

  • Merci, Fromageplus, pour vos bienveillants encouragements que j'apprécie particulièrement.

    (Au fait, ai-je assez "expurgé" à présent ?)

  • De rien;il est vrai que mes precedents posts ne concernaient que le pape.Mais ma participation n'est que trop recente pour m'avoir donne l'occasion de reagir sur d'autres sujets;je te promets cependant d' "elargir" a l'avenir.
    Je tiens egalement a profiter de l'espace qui m'est donne ici pour te dire combien j'ai apprecie ta nouvelle,intitulee "partir"il me semble,et qui m'a,l'espace de quelque pages,fait accomplir un merveilleux voyage.Tes oeuvre litteraires gagneraient a etre publiees, afin de faire profiter au plus grand nombre de la joie que peut engendrer ta plume magique,sensible et enivrante.

  • Je suis très surpris de l'ampleur et de l'intensité de ton éloge qui me fait d'autant plus plaisir que je ne m'y attendais pas ! Voilà qui réchauffe mon coeur d'écrivain. Merci à toi d'avoir pris la peine de consacrer un peu de ton temps à la lecture de mes lignes. Je crois que je vais remettre "Partir" sur le blog, même si corrigé en partie seulement.

  • Je pense que vous avez expié vos fautes, cher ami. Mais bon, moi, ce que je pense...

    ;-)

  • Pour fêter cette purification, je vous ai concocté une petite réécriture oulipienne de Plotin.

  • Pour moi le fond de la question n'est pas là (et je dois avouer que je suis de toute facon loin de pouvoir analyser cet évènement comme tu viens de le faire).
    Je me demande qui ici a une étude assidue et quotidienne de la bible (qui serait la parole de Dieu, nous sommes d'accord) ?
    Une étude quotidienne et une mise en application des principes qu'elle contient ?
    Je ne vois pas de dimension eschatologique dans tout ça.
    Or on accepte pas la bible en partie, à moins que l'on considère qu'elle ne soit pas totalement d'inspiration divine, à tort à mon avis.
    Cette dimension eschatologique, donc, prend toute son importance et devrait inciter à la propagation de "la bonne parole" de Dieu.
    Ce n'est pas ce à quoi l'on assiste...

    Nous en avons déjà un peu discuté , mais en ce qui concerne le Pape et l'Eglise catholique en général, je ne voit rien d'autre qu'un signe des temps derniers dans cette mort. J'avoue ne pas m'émouvoir de tout ça, à part un pincement, sur la mort d'un homme, comme celle d'un autre, surtout que pour moi l'église participe à ce culte de l'image.

  • Je ne suis pas sûr d'avoir compris où tu situais le fond de la question. Pourrais-tu être plus explicite ?
    De même pour "signe des temps derniers", fais-tu référence à la fin du monde telle qu'elle est en partie relatée dans l'Apocalypse ?

    En tout cas merci pour ce commentaire bien écrit et qui invite à élargir notre point de vue.
    En ce qui concerne mon point de vue sur le pape en général (et pas UN pape en particulier), je pense qu'il s'agit d'un personnage important à plus d'un titre : il est porteur d'une FONCTION, dépositaire d'une Histoire et d'une Tradition, gardien de Valeurs, détenteur d'un Savoir (on ne devient pas cardinal aujourd'hui sans une solide carrière intellectuelle) et comme il s'agit presque toujours d'un homme mûr, d'une expérience. Tout le monde s'accorde à lui reconnaître un rôle symbolique pour les chrétiens, et j'ajouterais : un rôle intellectuel, à la fois comme auteur et comme ordonnateur et un rôle sociologique comme révélateur des tendances de la société et des âmes d'une époque.
    La mort du pape n'a pas à être subtituée à celle du Christ, et si j'étais dans l'Eglise, je me battrais pour que le corps du pontife ne soit plus jamais exposé aux yeux avides du public, ce genre de spectacle relevant d'un culte de la personnalité des plus communistes...

  • C´est vrai: on a beau être touché par la ferveur des millions de gens qui sont rassemblés à Rome ou ailleurs en concentrations étonnantes, la personne de Jean Paul II fut l´objet d´une dévotion un peu déplacée et abusive. Quant aux télévisions mondiales, elles se montrèrent comme à leur habitude absolument dégoûtantes. Je ne trouve pas d´autre mot.

    Pour ma part, je garde cette image émouvante du rassemblement universel qu´il a réussi à poursuivre au-delà de sa mort en réunissant le monde entier sur la place Saint-Pierre. Il y avait lors de son enterrement des souverains politiques et spirituels de tous les horizons et de toutes les convictions; et toutes les pensées saluaient l´Homme de Paix et d´Amour. Tout n´est pas perdu, se dit-on dans ces moments-là.

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