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Emprise progressive (7)

Depuis un moment, Annick regardait Raphaël bizarrement. En effet, il s'agitait sur son siège et son front était couvert de gouttelettes de sueur.
"Qu'est-ce qui t'arrive, Raphaël ?", demanda-t-elle, sans être mue par autre chose que la curiosité que l'on pourrait éprouver devant un micro événement concernant une personne dont, au fond, on se désintéresse.
"Justement, je voulais te demander, commença le jeune homme en s'adressant à son cousin, tu ne pourrais pas regarder mes jambes ?
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Elles me font mal, ça brûle, ça tire, une douleur de nerf peut-être.
- Laisse voir le professionnel. On va passer dans le cabinet." Ce qu'ils firent.
Raphaël pénétra dans un cossu cabinet au mobilier tout aussi coûteux que l'appartement, à ceci près que là, il trouvait un minimum d'unité dans les formes et les styles.
"Bien, voyons ça, fit l'homme d'une voix calme et monocorde."

Raphaël retira son pantalon. Il tomba d'un bruit sec. A la vue des jambes de son cousin, l'ostéopathe eut un bref gêmissement de surprise. Rapël lui-même sursauta et poussa un petit cri de stupeur. L'aspect de ses jambes n'était plus le même que dans la matinée. On y constatait de multiples chaines des ganglions violacés, douloureux au toucher sur toute leur longueur.
"Je ne m'attendais pas à ça, alors ça non. Ca fait longtermps que c'est comme ça ?
- Non, elles étaient normales ce matin ! C'est incroyable.
- Je suis désolé, je ne vais rien pouvoir faire pour toi. Ton cas n'est pas dans mes compétences. Je préfère t'emmener tout de suite aux urgences.
- Je te suis." Raphaël, chancelant plus encore d'émotion que de douleur, remonta son pantalon en tremblant.

De retour dans le salon, ils découvrirent Annick, un seau à la main, devant la fenêtre ouverte. Dehors, on entendait une femme qui criait. "Elle l'a pas volé, celle-là", dit-elle presque pour soi. Alors que dehors, la femme lui lançait : "Vous devriez avoir honte, madame ! Nous sommes des êtres humains comme les autres ! C'est dégoûtant, à votre place, j'aurais honte !".
"Mais qu'est-ce qui se passe, chérie ?, demanda Hector sans trop sembler se préoccuper de la réponse de sa femme, qu'il imaginait sans doute.
- Encore cette trainée qui raccole dans la rue, sous nos fenêtres ! En tant que syndic de la copropriété, je me dois de veiller aux intérêts des copropriétaires. Ici, c'est du standing, du standing ! Qu'elle aille se faire foutre ailleurs, la sidaïque !" puis, se tournant vers les deux hommes, son visage changea soudain d'expression, passant de la colère à l'auto-satisfaction. Elle avait déjà oublié la consultation. En d'autres circonstances, Raphaël se serait indigné du comportement de cette femme, mais il commençait à la connaître, et il n'avait qu'une envie, c'était d'être fixé sur son sort.
"Je dois emmener Raphaël à l'hôpital, je n'en ai pas pour longtemps.
- Qu'est-ce qu'il a ? Tu ne pourrais pas lui appeler un taxi ?
- Non, c'est bon, je peux quand même l'emmener ? Ne m'attends pas.
- Ah bon. J'espère que ça ira."
Raphaël répondit par un faux sourire de circonstance, plus un rictus qu'un sourire, d'ailleurs, mais il avait l'habitude d'en être réduit à ça avec la "famille".
Les deux hommes enfilèrent leurs manteaux et sortirent sans demander leur reste.
Une fois en bas, il croisèrent une prostituée trempée de la tête aux pieds. Elle apostropha Hector :
"Vous direz à votre femme que derrière la prostituée, il y a une femme, et qu'il nous reste encore un peu de dignité.
- OK, désolé ! répondit-il, et il plongea la main dans la poche intérieure de sa veste et en sortit un portefeuille en cuir.
- Je ne veux pas de votre argent, ça ira, merci", dit la fille, et, s'écartant, elle s'éloigna en croisant les bras, d'un pas chancelant. Raphaël la regarda s'éloigner avec tristesse et pitié. Il se sentit solidaire de cette triste humanité souffrante.
Arrivé devant un énorme 4X4 flambant neuf :"Voilà ma voiture, fit le cousin. Monte". C'était la première fois que Raphaël pénétrait dans un de ces chars urbains.

La route fut courte, mais, malgré cela et malgré le confort indéniable des sièges et des suspensions qu'offrait ce type de véhicule, Raphaël se tortillait de douleur sur son siège.
Après, le temps requis par la descente, une courte marche et les formalités administratives et l'attente, tout cela parut évidemment une éternité au jeune homme, même si au final ce ne fut pas si long.
Enfin, un médecin finit par arriver. C'était un petit homme à moustache et barbichette, tel qu'on en voyait beaucoup à la fin du XIXe siècle. "Raphaël, je te laisse avec le docteur Freyjus.
- Comment allez-vous cher ami ?
- Moi, très bien, mais c'est mon cousin parisien qui ne va pas.
- C'est ce que nous allons voir. Bien, on se retrouve après la consultation ?
- D'accord. A tout à l'heure.
- A tout à l'heure", répéta Raphaël, plus mort que vif.


[La suite et fin d'"Emprise progressive" est disponible en livre papier et livre électronique ici.]

Commentaires

  • Merci d'être fidèle à ma nouvelle ! J'ai beaucoup de plaisir chaque fois que je finis de rédiger un chapitre.
    A bientôt.

  • C'était la cuisine japonaise que je cherchais, mais parfois, le hasard fait bien les choses : un écrivain par ici ?! Coucou de la métropole, donc, et bonjour à tous les japonais qui passeront par là :)

  • Bonjour M.Bregman. Bienvenue dans cet espace. Il vous est ouvert.

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