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Japon - Page 3

  • Rencontre aux confins du monde connu ニュエル先輩に東京で会った

      Moi aussi je me devais d'évoquer ma joyeuse entrevue avec le Maître de L'Annexe, venu spécialement à Tôkyô pour me voir (enfin presque). Ensemble, nous avons dégusté un  chat-bout chat-bout des familles (à la viande de boeuf, je tiens à le préciser) dans un restaurant qui a ma prédilection. A la vue de mon petit visage bradpittien de presqu'habitué (ça fait tout de même quatre ans déjà que mon pied foula le sol de cet appréciable établissement), le patron nous offrit charmantement riz, kimch'i et o-konomi-yaki (sorte de grosse galette bourrative). Régalation papillale et appréciage japonal étaient au programme, les délices de l'amitié se mêlant à celles du palais.

      Je regrette de ne pas mettre de photos, mais  ce blog, voyez-vous, se trouve déjà rempli de mes petits riens, alors qu'en serait-il si j'y mettais mes petits quelque-chose(s) ? Enfin, pour des images de la capitale de la gastronomie (Tôkyô), voyez L'Annexe.

  • Avant de repartir 一時帰国しました

    Passage en coup de vent au pays natal et activité frénétique digne de Wall Street. Dans quelques jours, retour à l'expatriation.

    Splendeur de la lumière d'or toute espagnole, phénomène unique où Lyon porte si fièrement son nom homonyme de l'animal, aux feux de fin d'après-midi tiède et comme baignée de solaire jouissance. L'air, sec. Harmonie des édifices, de l'habitat, vigueur de la construction, maîtrise de la verdure, cohérence, je redécouvre, je retrouve cette cité reromanisée, démoyenagisée. Ses ombres, son clair obscur, en déclin, me plaisaient pourtant tout autant. Pas encore le temps d'errance à Gerland, le pélerinage de Saint-Rambert, le recueillement au Sanctuaire... Les retrouvailles, les coups de fils sans suite, j'ai trop peu ou trop fait, et pourtant...

    J'ai tout retrouvé où je l'avais laissé, et le Japon n'était alors plus qu'un rêve.  Mais le Japon, c'étaient trois ans et demi de  vie, dont une année d'or.

    Je repars comme j'étais venu, aussi content (toujours content), toujours soucieux. Combatif mais pas agressif, constructif, bien décidé à mener le soldat du savoir au bout de cette aventure humaine qui m'a déjà entrainé plus loin que je l'eus jamais cru possible. (...) Tout fructifie, tout fait sens, tout concorde et... (mais enfin, Zebest, où t'arrêteras-tu ?) tout me donne raison.

    Malgré la fatigue, les épreuves,  les ennemis, je suis toujours là (ce qui ne m'a pas tué m'a rendu plus fort que jamais). A bientôt chers lecteurs, petites voix dans le lointain, personnalités sans visages, signes discrets sur cet écran que je quitte. Je vous écrirai d'un autre ailleurs.

    Et retour à l'Oeuvre. 

  • QUITTER LA FRANCE フランスを去ります

    Je le sais, c’est sûr, c’est décidé, il faut que ça se fasse. Je quitte la France. Encore. Et j’en suis content. Je « rentre » au Japon, tout comme je rentrerai en France un jour, car contrairement à certains qui fuient leur pays (ou le fuiraient si…), je ne fuis pas le mien, car je n’y suis pas mal ; je m’en vais pour cet ailleurs, ce numéro deux où j’ai passées trois années, dont les deux plus belles de ma vie. J’aurai un nouveau travail, ça m’a l’air très bien. Pas de quoi se plaindre, au contraire. Mais je quitte. Je « quitte » car je n’ai pas le don de la bilocation, ni le compte en banque qui me permettrait d’aller où je veux, quand je veux, sur un coup de tête. Quand je pars, c’est pour séjourner. Un an. Ou deux. Ou trois, ou quatre. Cinq, peut-être. J’essaierai probablement de rester davantage. Je quitte la France. Je quitte le pays où vivent les gens mal élevés et insolents. Je quitte le pays où vivent les jeunes cons, les vieux cons, les sales cons. Je quitte le pays où vivent les casseurs, les fachos, les « groupes de combats », les CRAN, MRAP, SOSR, FNMNR, PS, LCR etc. Je quitte le pays où vivent des gens qui tuent fiscalement les classes laborieuses moyennes. Je quitte le pays où vivent les gens qui me réclament de l’argent rue de la Ré et qui m’insultent si je ne leur répond pas, les SDF qui crèvent comme des chiens dans l’indifférence générale, des Roumains mendiants qui malgré tout me touchent. Je quitte la saleté des tables des salles de séminaires du troisième étage, souillées par des élèves qui n’ont rien à faire dans un établissement supérieur. Je quitte un pays d’illettrés, d’ignorants arrogants qui croient tout savoir (eux aussi se retrouvent à l’université) et que de vieux soixante-huitards ont sacrifié à l’hôtel démagogique de leurs privilèges. Je quitte le pays de la presse « à la française » (comprenne qui pourra)… Je quitte le pays qui, bien qu’il s’en défende, n’aime pas ses enfants, qu’ils soient écoliers en attente d’apprendre (et qui n’apprendront pas grand chose), ou docteurs (et qui iront « fuir » ailleurs, ces chers veaux). Je quitte un pays que je n’ai jamais idéalisé, mais que j’aime, pour un pays que je n’idéalise plus, mais que j’aime tout autant. Je quitte une imperfection pour une autre, et le deux me conviennent malgré leurs aspects révoltants.
    En quittant MON PAYS, je quitte aussi une TERRE où je me sens bien, où je me sens chez moi, à ma place, où j’aurai plaisir à fonder une famille, je quitte mes racines. Je quitte les collines, les plateaux et les fleuves lyonnais, les pelouses en pentes de ses parcs municipaux, les lectures assis contre un arbre, les errances de mon enfance dans la cité Edouard Herriot (démolie aujourd’hui, enfin un peu de bon sens), les marches dans les ruelles étroites de la vieille ville, à travers les traboules ou les avenues longeant les belles bâtisses de Gerland… Finis les balades en voiture dans les Alpes, à Gap, en Lorraine, dans les Dombes, dans la Vienne, les crapahutages bretons, mon voyage parisien annuel (qui me confirmait à chaque fois dans la conviction que je n’étais pas du même monde qu’« eux »). Je quitte le pays des loyers exorbitants pour le pays des loyers exorbitants, le pays des bons chauffages pour celui des mauvais chauffages, des restaurants chers (mais bons) pour celui des restaurants pas chers (et bons). Je quitte ma famille. Je quitte une culture, des cultures devrais-je dire, et UNE civilisation, qui me convenaient à peu près, et dont, lorsque je traverse les ponts du Rhône, j’ai la profonde, l’intime sensation jusque dans mes chairs au même titre que de la précarité de la vie en général, et du corps humain en particulier. Je quitte le pays où s’est perdu, hélas, l’esprit chevaleresque, le goût du geste noble, gratuit, bienveillant, superbe et généreux, le panache en somme, dont j’espère que la génération de mes petits enfants (si tant est que notre espèce existe encore à ce moment-là) rétablira l’usage, pleinement honnête et responsable, assumant ses fautes et osant aller dans le sens des valeurs que les grands-parents avaient rejetées.

    Je pars avec 20 kg de bagages, et ma vie devra tenir là-dedans. Le reste suivra. Je quitte mes amis du bled, ils se reconnaîtront. Je les quitte comme nous nous sommes quittés mes amis du Japon et moi-même avant le retour au pays natal. Si la France, LA France – LA FRANCE – demeure mon seul pays natal, le Japon reste pour sa part mon pays d’adoption. Français je suis, Français je mourrai, mais rien ne pourra effacer le fait que ce sera le Japon qui aura fait de moi un homme (si tant est qu’on puisse le devenir du vivant de ses parents). Je quitte la France. JE QUITTE LA FRANCE. 

  • D'un essai bien moyen ou la confusion du samouraï オード・フィエスキの『サムライの画面』という随筆について

    Parmi les clichés concernant le Japon, celui qui revient le plus fréquemment est le samouraï. Et encore faut-il savoir de quoi l'on parle en utilisant ce mot, ou plutôt LES mots, mis à notre disposition par les langues française et japonaise. Car il faut savoir de quoi l'on parle pour éviter les malentendus, et ici, ils sont assez nombreux, semble-t-il, et ce même à la lecture de l'ouvrage d'Aude FIESCHI, Le masque du samouraï, paru aux éditions Philippe Picquier en 2006 et que j'achetai un jour avec méfiance. Curieusement, l'auteur attend la page 55 avant de définir et d'expliquer ce qui est désigné chez elle par le terme français de "samouraï". Ici, je n'attends pas, et je définis sur le champs de quoi je parle, et ajoute des précision à ce qui m'apparaît comme une présentation sommaire tirant à hue et à dia.
    Le mot japonais samurai さむらい, qui s'écrit "侍" en caractère chinois (idéogramme) et parfois "士", vient du verbe japonais classique saburafu さぶらふ [侍ふ] (prononcé plus tard "saburau"), et qui signifie "servir" (un maître). Le nom commun samurai désigne donc un serviteur, mais de type particulier, appartenant à la classe sociale des guerriers, les bushi 武士. Rappelons que les privilèges des classes sociales, rigides, furent abolis et l'égalité devant la loi proclamée en 1871. Auparavant, il existait quatre classes (shi-min 四民) et une "hors classe". Nous avions, du haut en bas de l'échelle sociale : la noblesse de Cour (kuge 公家) et les guerriers (bushi) ; les paysans (hyakushô 百姓) ; les artisans ( 工); les commerçants (shônin 商人). Les "hors classe" comprenaient les comédiens, les prostituées et les hinin 非人 ("non-humains") : les burakumin 部落民 (parias détenant le monopole des métiers en rapport avec la mort : abattage et tannerie), les voleurs, les Aïnous (ethnie autochtone de Hokkaidô) etc.  Les unions entre les riches propriétaires terriens et les guerriers étaient rares, mais possibles, et l'annoblissement des enfants nés de ces unions, automatique. Un autre moyen pour les paysans de devenir des guerriers était de devenir champions de sumô 相撲, chose très rare ! Les mariages avec toute classe en dehors de celle des guerriers (donc paysans, artisans et commerçants, soit 85 pourcents de la population du Japon avant 1871) étaient beaucoup plus faciles.
    Bref, le samurai était un serviteur, formé aux armes, mais pas nécessairement expert en la matière, ni riche, ni toujours bien élevé. Il n'était donc pas un daimyô 大名 (seigneur féodal), ni un bushô 武将 (chef de guerre, général local), encore moins le shôgun 将軍 ("généralissime" gouvernant le pays à la place de l'empereur), ce qui élimine la pertinence de nombre de gravure insérées dans l'ouvrage en question, et représentant de hauts personnages du gratin guerrier.

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