ou esquisse de notes fragmentaires sur une question fondamentale mais très subtile
(extraits)
Parmi les problèmes qui m’agitent, il en est un en particulier que je tiens à présenter ici : il s’agit de l’identité et du rapport à l’autre, termes peut-être vagues vu la multitude de sens qu’on a plaqués dessus, mais à mon sens primordial, car la plupart des interrogations philosophiques, sociologiques, anthropologiques, historiques et juridiques en découlent.
C’est dès lors qu’on aura une certaine idée de soi ou de l’autre qu’on sera accessible à l’enseignement d’une morale, quelle qu’elle soit. Sans chercher à remonter rationnellement, selon une démarche scientifique, au nœud du problème, je voudrais ici coucher sur le papier quelques réflexions qui me sont venues de deux sources : mes études en langue japonaise et l’écoute de l’émission d’Alain FINKELKRAUT, « Réplique » (...).
I / Bref, pour revenir à le question de l’identité et du rapport à l’autre, c’est en entendant (...) parler du Loft que j’ai fait le lien avec des questions qui m’intéressent particulièrement. Pour moi, le langage reflète l’idée, le concept et l’identité. Le langage pauvre des lofteurs reflète leurs idées primaires, leur identité superficielle et leur rapport à l’autre. Comment des gens incultes au point de ne pouvoir maîtriser la langue de leur propre pays pourraient-ils se sentir Français, quand leur patrimoine leur est, sinon inconnu, du moins non porteur de sens, car ils n’en possèdent pas les clefs et leur éducation (je ne veux pas accepter l’idée d’une bêtise biologique) ne leur a pas donné l’envie d’aller les chercher, à défaut de ces clefs elles-mêmes ? Pas étonnant que ces jeunes lofteurs, représentatifs à tort ou à raison d’une jeunesse majoritaire, se sentent davantage appartenir à des sous-groupes, des « tribus », non forcément géographiques, comme le hip-hop, la variété internationale, etc., détachés des bases de la culture[1], indissociables de l’Histoire des peuples, les deux constituant les riches identités des nations qui se connaissaient paradoxalement mieux, tout en se sentant étrangères (ou « autres »), l’une par rapport à l’autre, et ayant à ce titre des échanges plus riches que ceux qu’on voit dans le Loft ou sur les forums de discussion d’Internet. Un Français parlant allemand et maîtrisant ses classiques (sans aller jusqu’à avoir fait ses humanités) avait autrefois avec un Allemand parlant français et maîtrisant les siens des échanges beaucoup plus riches qu’aujourd’hui un Français et un Allemand ignorants de leur culture propre (sans parler de la culture de l’autre) et s’entretenant en anglais. Le phénomène de « culture de masse » — qu’on aime ou non ce terme, l’usage l’a adopté, et nous le conservons ; il en vaut bien un autre — au sens d’ensemble de phénomènes sociaux liés à la consommation de masse de produits largement diffusés, sinon presque toujours mis sur le marché par des firmes nord-américaines, souvent calqués ou en tout cas fortement inspirés par le modèle américain commercial ; bref, cela, lorsqu’on s’y limite, c’est à dire lorsque les fast food représentent le seul horizon culinaire, la pop music, le hip-hop le seul horizon musical et les bloc busters le seul horizon cinématographique, sans parler de l’ignorance quasi-totale en matière de sculpture, de littérature, d’architecture etc., lorsque donc la culture de masse représente la seule culture pour les personnes, elles croient se comprendre et se retrouver dans le « village planétaire », mais cette rencontre et cette compréhension sont fortement limitées à l’étroitesse de ce champ mental que cette culture de masse, en elle-même, borne. Et, à défaut de partager des idées, des informations dignes de ce nom, les partenaires en présence tentent de créer une camaraderie artificielle fondée sur cette culture de masse commune et des émotions simples : c’est ce qu’ils appellent « être dans le même délire ».
Ce sont toujours, sinon les mêmes mots, du moins les mêmes idées, qui reviennent : c’est bien (au sens de cela me plaît), c’est nul (au sens de cela ne me plaît pas) et je veux (je désire). Tout est donc jugement hâtif et superficiel (faute de critères de qualité objectifs, tout se limitant à l’intérêt immédiat, puéril) et désir. Et là, le « désir mimétique » découvert par le sublime GIRARD joue pleinement.
Mais il arrive, phénomène rare mais existant néanmoins, que des esprits incultes veuillent sortir de leur inculture afin d’enrichir leur identité, je distingue trois types d’attitudes, qui peuvent se succéder.
1/ La plus simple est de se tourner vers le folklore du lieu géographique où elles se trouvent, ont passé leur enfance, sont nées ou bien où leurs parents ou aïeuls ont vécu et dont ils ont plus ou moins parlé. Mais qu’est-ce que le folklore, cette « science du peuple », sinon la culture de masse[2] à l’échelle d’un village ou d’une région, figée le plus souvent pour la France au XIXème siècle, notamment pour la musique et les costumes. Certain va connaître et s’enrichir de l’origine de telle farandole locale, mais va négliger de découvrir l’héritage gréco-romain et judéo-chrétien qui imprègne bien plus ces mêmes lieux, où, autrefois, une référence à Oreste, à Charles Quint ou à Esaü était porteuse de sens, sans aller jusqu’à être pleinement connue.
2/ La seconde étape est l’intérêt pour l’Histoire, d’abord locale, puis nationale et internationale, voire ensuite pour d’autres sciences humaines (le Droit, la sociologie, l’économie…). Ces domaines, très riches, parfois infinis (le Droit), ne sont cependant pas suffisants pour avoir la perception la plus juste, les idées les plus nombreuses et l’identité la plus riche, sans parler de la connaissance de celles des autres nations et cultures. En effet, celui qui avait étudié la farandole de sa région, pour reprendre mon exemple précédent, va vouloir se mettre à l’étude de l’Histoire locale (le bailliage, les relations avec le seigneur…), qui va l’amener à l’Histoire nationale : les notions de chevalerie, de seigneur, de domaine, l’organisation des pouvoirs publiques etc. Son champ de vision, grâce à l’Histoire, va s’ouvrir, et il va se découvrir de nouveaux points communs avec ses compatriotes qui sont issus du même contexte socio-historique. Toutefois, il ne pourra pas comprendre, et à plus forte raison concevoir et exprimer les raisons intellectuelles qui poussaient les hommes du passé à vivre de telle ou telle manière. La philosophie du Droit, base du droit ; les religions judéo-chrétiennes (dans le contexte européen) base de la morale, du Droit canonique, des arts et de la pensée pendant des siècles ; les arts (la peinture comme réflexion sur la place de l’homme dans le monde et expression de théories et de sensibilités, où fourmillent les sujets historiques et mythologiques ou religieux) ; la musique polyphonique qui occupe l’esprit non seulement avec l’air global qui s’en dégage, mais avec chaque ligne musicale, chaque partie qui y concourt, et tant d’autres choses : disciplines, œuvres, artistes, penseurs et leurs idées etc. lui échappent encore et il conserve un certain malaise devant des faits du passé qui, bien qu’il ait conscience de leur existence et dont il connaisse certains modes de fonctionnement, ne lui parlent toujours pas.
3/ C’est là qu’intervient la troisième étape. C’est la découverte de ce que j’appelle la « culture » au sens strict (Kultur en allemand avait ce sens il n’y a pas si longtemps), par opposition à la culture au sens large qui signifie mœurs et pratiques sociales. La culture stricto sensu, on l’aura compris, est constituée des arts et lettres (musique écrite savante, peinture, sculpture, architecture non uniquement fonctionnaliste, littérature…), des philosophies et des religions.
Il est manifeste que les sciences humaines et la culture se sont nourries et construites l’une grâce à l’autre, et que le folklore y a souvent puisé. Bien sûr, cet ordre d’étapes est un ordre logique, théorique. On peut suivre un ordre différent : pour ma part, j’ai suivi l’ordre strictement inverse dans la découverte de mon pays (la France), alors que j’avais suivi l’ordre rationnel (non tellement par choix que par suite de la conjoncture, pour ce qui est, par exemple, le Japon et la Chine.
II / Comme je l’ai déjà dit, l’une des composantes essentielles de l’identité est la langue. Aussi, la langue parlée ou la langue modifiée est-elle un révélateur du sentiment d’appartenance. Ainsi deux phénomènes linguistiques sont-ils particulièrement révélateurs à cet égard : l’introduction de mots nouveaux pour désigner des référés (objets ou faits) nouveaux ; et la modification du vocabulaire existant pour désigner des référés préexistants. Nous donnerons des exemples tirés du monde riche non anglophone.
1/ Lorsqu’un nouvel objet ou une nouvelle idée fait son apparition, il est normal de vouloir le ou la nommer, et d’ensuite (ou concomitamment) établir des distinctions lexicales, des sous-groupes de ces nouveaux objets. La création de mots nouveaux, en français, procède de trois manières différentes : soit un emprunt pur et simple à l’étranger, ce qui est massivement le cas aujourd’hui en français avec des mots anglais, et cet emprunt peut ensuite déboucher sur une adaptation ou une francisation, un japonisation (ainsi par exemple, l’emprunt beefsteak (tranche/ escalope de bœuf) a été peu à peu transformé en « bifteck », de même en japonais avec la « katakanaïsation » de mots venus aujourd’hui massivement de l’anglais, par exemple keybord (clavier) qui a donné キーボード (kîbôdo)) qui, par une modification syntaxique et/ou phonétique, appauvrit le mot en masquant en partie ou totalement son étymologie d’origine (ainsi, bifteck masque la combinaison beef + steak (bœuf + tranche) en donnant un mot global qui ne porte plus cela en lui, de même le japonais キーボード qui ne laisse plus percer ni le son d’origine, ni la racine du mot (key + board (clef, touche + planche, tableau) ; soit une traduction dans la langue d’arrivée du mot composé ou de l’expression étrangère qu’on a décidé d’emprunter (comme par exemple gratte-ciel, qui est une traduction littérale de l’anglais sky-scraper) ; soit, enfin, une création, soit ex nihilo (notamment pour les mots qui procèdent d’onomatopées comme le « ping-pong »), soit à partir d’éléments préexistants ( c’est la technique de création classique des langues occidentales à partir de racine gréco-latines, comme par exemple cinématographe, qui vient de kinêma (mouvement) + graphein (dessiner, écrire) ou pour le japonais la création de mots japonais à partir de caractères chinois, comme par exemple 経済 (keizai), économie, à partir de deux caractères chinois : kei (en chinois jīng) (texte, classique, longitude, règle constante) et sai (en chinois jì) (finir ; arranger, ordonner)).
Le fait qu’on privilégie l’emprunt pur et simple par rapport à la traduction ou à l’invention, d’une part, et que cet emprunt soit, dans les langues que je cite, majoritairement fait à l’anglo-américain d’autre part amène à s’interroger sur la capacité d’adaptation des nations et sur leur sentiment d’appartenance à une culture étrangère à la culture anglo-américaine. Ne pas chercher à faire appel aux ressources de ce qu’on appelait jadis le génie de sa langue, révèlerait une « haine de soi », particulièrement marquée dans nos pays riches non anglophones, particulièrement en Allemagne, en Grèce et au Japon tout autant qu’une fascination, tantôt obséquieuse, tantôt faussement rebelle, pour le grand maître du monde que sont les Etats-Unis d’Amérique.
2/ La question problématique de l’américanisation progressive des langues ne peut que se poser encore plus fortement lorsqu’on considère le phénomène de substitution de mots anglais aux mots locaux. (…)
Nous trouvons aussi un phénomène à mi chemin entre le problème des nouveaux mots et celui du remplacement des mots locaux par des mots venus de l’anglo-américain, phénomène particulièrement aigu au Japon : la faible évolution du champ lexical. En effet, au lieu de faire évoluer le champ lexical d’un mot japonais en lui faisant représenter une réalité nouvelle, on préfèrera recourir à l’emprunt à partir de l’anglais. En voici quelques exemples. Auparavant, lorsqu’il s’agissait de désigner une porte, le japonais recourait au mot 戸 (to). Il s’agissait de portes japonaises traditionnelles. Lorsque le Japon a adopté l’architecture à l’occidentale, notamment ses portes et qu’il s’est agi de les désigner en japonais, au lieu de faire évoluer le sens de to, on a préféré prendre le mot anglais door, qui est devenu ドア (doa). De même pour ce qui est des ustensiles de cuisine, le couteau s’appelle ナイフ (naifu, de knife), la cuillère スプーン (supûn, de spoon), le tablier エプロン (epuron, d’apron). Qu’on ne me fasse pas croire que ces ustensiles n’existaient pas avant la découverte de la langue anglaise. Seulement, ils existaient sous une forme un peu différente, et l’évolution de leur forme a suffi aux Japonais pour qu’ils décidassent d’abandonner le mot qui désignait cette vieille forme. Les mots, en particulier les noms communs, n’ont de nos jours au Japon q’une durée de vie assez brève. A chaque évolution de la technique, il faut changer de mot, et une porte, qu’elle soit en bois, en métal, ronde ou carrée, plutôt que d’être définie par un adjectif comme en français, portera en japonais un nom différent. C’est ainsi que les mots to (porte) et 前掛け (maekake) (tablier) sont de moins en moins utilisés (réservés aux demeures traditionnelles) et que le mot 包丁(hôchô) (couteau) n’est plus utilisé que pour évoquer les gros couteaux de cuisine. Ce refus de ne pas faire évoluer le champ lexical des mots est entrain de couper le japonais de ses racines et de son identité, en en faisant un futur pidgin coupé même des racines de l’anglais et de sa richesse, à cause des katakana, qui transcrivent en un faible nombre de sons une grande variété de sons que comporte l’anglais et font perdre au mot sa graphie orthographique. Un exemple de plus est fourni par l’informatique, où le mot マウス (mausu), de l’anglais mouse) est le seul mot qui a été trouvé pour désigner la souris, appelée ainsi, rappelons-le, à cause de sa vague ressemblance de forme avec l’animal du même nom. Pourquoi le japonais a-t-il refusé de faire désigner par 鼠 / ネズミ (nezumi) cet ustensile ? Les Japonais auraient compris comme tout le monde la ressemblance que j’ai indiquée. En outre, le terme mausu n’évoque pour les Japonais, en général, que l’objet en plastique et non un mot polysémique comme l’anglais mouse. Que constatons-nous donc ? Que le japonais se coupe de ses racines. Que ses mots indigènes, en n’évoluant pas, tombent dans l’obsolescence et disparaissent, relégués dans les dictionnaires d’archaïsmes. Que l’anglais, réservoir quasi inépuisable de nouveaux mots, y perd, coupé de ses racines orthographiques, de sa richesse phonétique, et de sa polysémie. Car l’anglais, pour faire plein sens, a besoin de ses sons et de sa graphie, tout comme le chinois a besoin de ses idéogrammes. Le japonais est en train de devenir la langue qui se coupe le plus de sa logique, du sens, et de la polysémie. Trop de mot chasse le mot. Trop de mot mène, au quotidien, à parler plus simplement, trop simplement. Dans un pays où il est de bon ton de remplacer 催し物 (moyooshi mono), événement, par イーベント (îbento), de l’anglais event, on finira par ne plus utiliser les anciens mots porteurs de sens pour les remplacer par les mots de sens appauvri. (...)
[1] Terme que je définirai plus loin.
[2] Pris au sens large, sans la dimension commerciale constitutive de la culture de masse d’aujourd’hui.
Commentaires
J'aimerais avoir le temps de lire cela d'un trait, mais je travaille et passe ici un regard tres rapide en "pause". Je crois que cet extrait va etre le point de depart de discussions interessantes... Mais la je m'arrete sur:
"Un Français parlant allemand et maîtrisant ses classiques (sans aller jusqu’à avoir fait ses humanités) avait autrefois avec un Allemand parlant français et maîtrisant les siens des échanges beaucoup plus riches qu’aujourd’hui un Français et un Allemand ignorants de leur culture propre (sans parler de la culture de l’autre) et s’entretenant en anglais."
Parce que je ne suis pas d'accord. Ce que vous evoquez, cet echange d'antan, etait du tout simplement au fait que, durant des siecles, il fut tres bien vu en Allemagne de parler francais et de tout connaitre de la culture de ce pays (cf: Rilke en France pour ne citer que lui, ou tous ces musees allemands ayant achete les toiles impressionnistes francaises bien avant que ceux-ci ne deviennent "fond culturel" chez nous). Aujourd'hui, cela n'est plus de mise, mais je suis convaincue que l'anglais est une chance, qu'il ne detruit rien et permet de nouvelles formes d'echanges. Oui, il y a une culture "globale", "de masse", parfois fort pesante mais c'est aussi, a travers une langue toute anesthesiee soit elle - et reduite a son plus simple etat (car rien de plus direct que cet anglais!), que l'on peut esperer un retour et un nouveau dialogue, autour d'une culture plus "intime" car bien moins mediatisee.
Bref, je suis une incommensurable optimiste qui refuse l'anti-americanisme a outrance....
Belle journee a vous
très bon texte!!
de la reflexion sur la langue comme partie intégrante de l'identité d'un indidvidu
merci pour ce bon moment
A Jugurta : merci. Venant de vous, un tel commentaire me fait particulièrement honneur.
A V. :
Ne nous méprenons pas.
1/ Je ne suis pas anti-américain. Pas plus que je ne suis pro-américain. Il y a des choses que je n'apprécie pas en Amérique, et d'autres que j'adore.
2/ L'anglais comme langue étrangère, je suis pour ! Je l'ai appris et grace à elle, j'ai découvert Oscar WILDE et JOYCE dans le texte.
3/ L'anglais faute de mieux, je suis pour aussi : quand je rencontre une personne dont je ne parle pas la langue, et qui ne parle pas ma langue, et que l'un de nous deux (ou les deux) ne parle(nt) pas la langue du pays dans lequel nous nous trouvons, l'anglais de magasin nous est fort utile. Ce qui ne m'empêche pas de regretter de ne pas parler la langue de la personne en question. (Même une langue qui ne m'avait pas spécialement attiré auparavant).
4/ Mais remplacer ce qui existe par l'anglais, parce que c'est cool, ou parce que nous avons un complexe d'infériorité, je suis contre.
Voilà tout.
Merci quand même de votre commentaire.
A tous : j'hésitais quand même à mettre ce vieux texte qui ne me satisfaisait pas, mais comme il avait plu à certaines personnes de mon entourage, j'ai arrêté de me prendre au sérieux, et je l'ai mis, prêt à le retirer s'il s'avérait inacceptable pour la majorité des gens que j'estime.
Entre temps, j'ai eu le temps de vraiment tout lire, et j'apprecie moi aussi beaucoup la maniere dont vous definissez quelques derives linguistiques possibles d'un anglais tout puissant - et la je suis tout a fait d'accord!
Et je trouve que ce texte est satisfaisant par ce qu'il permet discussion, dialogue et reflexion (J'espere que vous n'avez pas pris mon "je ne suis pas d'accord" de tout a l'heure pour une froide et mechante brutalite! - il est toujours plus facile dans une discussion de partir des points que l'on veut recuser...)
Froide, oui, "méchante" et "brutalité", non non !
En tout cas, j'apprécie votre manière d'écrire et de penser (c'est pour cela que je vous lis) et vos commentaires fréquents, intelligents et souvent bienveillants.
Bien à vous.
Desolee vraiment de cette froideur d'un commentaire ecrit trop vite, et vous voila officiellement des "amis de V.", esperant que cela me fasse pardonner...
A chaque évolution de la technique, écrivez-vous, il faut changer de mot. Je me demande dans quelle mesure certains hommes vont jusqu'à refuser l'évolution des techniques à cause de la laideur ou de la nouveauté des mots qui servent à les désigner. Moi-même, pendant longtemps, j'étais sottement "contre" l'Internet (que pourtant je méconnaissais souverainement), uniquement parce que je trouvais laids les mots, souvent étrangers, qui s'y rattachaient. Quand enfin, je ne sais par quel miracle, j'eus un ordinateur (mot très français; il paraît qu'on dit plutôt computer en anglais ou en allemand) chez moi, et un abonnement à Internet, je ne pus commencer à écrire de blogue (ce dont j'avais pourtant fort envie) que lorsque je découvris que le mot francisé existait, et était une recommandation de l'Office québécois de la langue française. Enfin, j'envoie plus volontiers un courriel qu'un e-mail.
"A chaque évolution de la technique, il faut changer de mot." : je ne décris ici que la tendance contemporaine du japonais, et non du français.
Oui, j'avais bien compris, mais par association d'idées, je me posais cette question, pour quelque langue que ce soit. Après tout, bien des hommes (dont je suis parfois) refusent une nouveauté sans vraiment la connaître... On peut se demander si, ce qui les rebute le plus, ce n'est pas la nouveauté du nom, nom étranger à la langue qui constitue si grandement leur identité, nom qu'il ressentent donc peut-être comme une menace pour eux-mêmes.
Bien sûr, l'anglais est une langue merveilleuse, facile, précise, c'est une chance extraordinaire pour communiquer avec la Terre entière, elle est respectueuse de toutes les autres langues, etc.
Arrêtons nous là.
Un tel bourrage de crâne, j'en ai jusqu'à la nausée. Je ne sais pas si vous connaissez 'praise for cultural imperialism', D.Rothkopf, le British Counsil ou d'autres guignols 'bienfaiteurs de l'humanité' du même genre...Personellement, je ne suis pas un brave petit négro qui a besoin d'être civilisé par qui que ce soit, et surtout pas par ceux qui ont pour mission de gouverner le monde et de nous enseigner le Bien et le Mal.
La stricte vérité est que l'anglais est une langue internationale pour les élites. En France, 1% maîtrisent l'anglais à un niveau moyen au bac, en Asie, malgrès des horaires plus importants, c'est 0,1%. Je vous conseille de mettre à l'épreuve votre niveau réel en anglais par la participation à des réunions dominées par les anglophones, ou simplement par la lecture de titres de journaux.
Oui, mille fois oui, auX langueS étrangèreS, à l'ouverture aux cultures du monde. Mais pour une vraie politique de la langue commune en Europe, qui doit être neutre. Aujourd'hui on exige des 'english native speakers...only' dans les institutions européennes, même les germains qui ont plus de facilité avec cette langue ne la maîtrisent pas vraiment. L'Europe est en train de devenir un satellite des E.U., grâce au cheval de Troie britannique.
Mon identité française et européenne ne passera jamais par l'anglais, c'est une aggression sournoise et délibérée à laquelle on assiste. Connaissez-vous la métaphore de la grenouille plongée dans l'eau bouillante?
J'apprends l'espéranto depuis un mois, et cette langue est vraiment remarquable. Il est vrai que cette langue n'a rien à vendre (contrairement à une autre...), il y a des cours gratuits sur internet. L'avantage de cette langue est son remarquable aspect propédeutique, il est prouvé qu'un an d'espéranto facilite l'étude des autres langues au point de rattrapper le temps 'perdu', et même améliore le niveau en langue maternelle ( je peux en témoigner!) et en mathématiques...
Kaj lerni esperanton ne malhelpi min shati la alian lingvon...
(et apprendre l'espéranto ne m'empêche pas d'apprécier les autres langues)
Wàng
Merci, M. WANG, pour votre participation passionnée. Mon arrière grand père croyait comme vous très fort au rôle de l'espéranto. J'aimerais moi aussi qu'on fasse un minimum d'efforts pour promouvoir cette langue pacifique, mais hélas :
1° c'est une langue à l'Histoire trop courte ;
2° les grandes entreprises n'ont rien à y gagner ;
3° les gouvernments non plus ;
4° elle n'est pas une langue nationale donc pas la langue d'une puissance capable ni de l'imposer, ni de susciter une fascination culturelle (cas de l'anglais et de l'espagnol).
Reste la mobilisation individuelle et associative. C'est un bon début, et tant qu'on ne brulera pas les bibliothèques, le nombre de livres traduits ou écrits en espéranto continuera de se multiplier lentement mais surement.
A bientôt j'espère.
Mon intérvention s'est voulue provocante, désolé pour ceux que j'ai pu choquer! Rien de tel pour réveiller les consciences. Mais tout ce que j'ai dit correspond à la réalité.
C'est vrai que l'E° est une langue jeune, et c'est bien là le paradoxe: on ose dire qu'elle a été un échec, mais on oublie qu'elle fait partie des 1% des langues les plus parlées, avec des locuteurs dispersés dans le monde entier. Quand à moi, j'ai beau aimer les langues, jamais je ne pourrai apprendre les 6000 existantes, sans compter les variantes dialectales=>une langue commune neutre et accessible se justifie, où l'on puisse notamment structurer sa pensée de manière libre et efficace (ce qui suppose une grammaire logique et précise, aux antipodes de l'anglais), qui soit un medium pour toutes les cultures de la terre. Et pour ceux qui n'aiment pas les langues?
De même, il est clair que tant que nos gouvernements continueront de faire cavaliers seuls et à mettre des milliards pour promouvoir chacun son idiome, l'espéranto aura du mal à exister, même si les promesses démagogiques sont légion (cf un certain J.C. en 2002...). Mais si la France( qui a quand même bloqué l'introduction de l'E° à la SDN en 1926) osait prendre une telle initiative, l'intérêt pour la langue française augmenterait, langue qui, il faut bien le dire, est aussi à l'heure actuelle un puissant moyen d'oppression coloniale: voir nos relations avec l'Afrique. Et si on sait compter, il est facile de voir où est notre intérêt: le monde entier jette des milliards (pas perdus pour tout le monde...)par la fenêtre pour apprendre une langue non étrangère à 6% de l'humanité, quand l'espéranto pourrait révolutionner les rapports entre les peuples. A qui profite le crime? Et qu'on ne me parle pas de l'argument culturel!
Pour l'instant, la question de la langue commune semble être le cadet des soucis des eurocrates de la Commission et de ceux qui nous ont concocté cette belle constitution. A croire le bilanglisme est censé être devenu la norme, ce qui semble se confirmer un peu plus chaque jour qui passe où l'on est placé toujours plus devant le fait accompli. Mais ne me dites pas que l'anglais sera la langue unique de l'Europe, non, le discoure officiel est celui du multilinguisme! Mais il faut bien préciser qu'avant de maîtriser 3 langues, la 2nde (qu'on a eu tant de mal à apprendre) suffit largement est est nécessairement l'anglais...sauf pour certains, privilégiés par la naissance.
Pour ma part, je ne désespère pas de tous les gouvernements, la montée en puissance de la Chine remettra certainement la question sur le tapis, pour un nouvel ordre linguistique mondial. Il n'y a qu'à voir les résultats merveilleux de l'anglais (ou plutôt du chinglish) pour tous en Chine...ce n'est pas pour rien que le gouvernement chinois encourage l'E°, la Chine est le pays qui compte le plus d'espérantistes. Il faut dire qu'il ne leur viendrait pas une seconde à l'esprit d'imposer l'étude de leur langue non alphabétique au moinde entier!
Cordialement
Wàng
Un petit mot pour dire que moi aussi j'apprends le japonais (certes à un niveau très modeste, watashi mo nihongo ga benkyoo shimasu), et ce que je vois confirme les craintes qu'on peut avoir quand à l'effet 'déculturant' du jargon anglo-étatsunien (ne pas confondre le pidgin english qui sert de truchement à deux non-anglophones avec le vrai anglais parlé en angleterre ou aux E.U.!) sur un pays fasciné par la culture anglophone. Et pourtant, on ne peut pas dire que les japonais sont bons en anglais! Le point qui me semble positif, malgrès tout, c'est justement ce syllabaire katakana qui permet d'absorber tant bien que mal tous ces mots, le problème est que les japonais empruntent beaucoup trop. Mais je pense qu'en France on devrait aussi franciser les mots anglais (d'autant plus que l'orthographe anglaise est encore plus illogique que la notre), dès lors qu'ils répondent à une nécessité. Qui se souvient que paquebot ou redingote sont des mots d'origine anglaise?
Nihongo wo benkyô shiteimass ka ? Sugoi ! gambattekudasai ! では、また今度。Je sens que votre participation va s'avérer riche d'apports, alors revenez quand vous voulez !
Domo! Je dirais aussi, en ce qui concerne la culture, que je crois à une culture spécifiquement humaine, qui transcende les frontières, les idéologies et les divergences religieuses. Si j'apprends l'espéranto, c'est justement aussi pour me situer en tant qu'être humain vis-à-vis de celui qui n'est pas de la même tradition linguistique que moi. C'est lui épargner de devoir penser à 'brièvement' au lieu de 'brèvement', ne pas l'interdir de dire 'vous musiquez bellement' ('vi muzikas bele' est tout à fait correct en E°), ou 'il a aidé à moi', là où le datif est naturel à l'allemand est contraire au bon usage en français. De même, l'anglophone ne doit pas imposer tous les idiomatismes, phrases toutes faites, sons et diphtongues difficiles de sa langue à des peuples comme les japonais ou les français où ces sons n'existent pas.
Autant la richesse culturelle d'une langue comme l'anglais (c'est une langue qui me faxcine et que j'adore, mais pas dans sa fonction usurpée de lingva franca) s'exprime pleinement dans les pays dont c'est la langue maternelle, autant ailleurs elle ne peut qu'engendrer un appauvrissement de la culture, et être un moyen d'asservissement colonial. D'autant plus que le fait qu'une telle langue soit considérée comme supérieure met sérieusement en danger les autres façons de penser et crée des complexes dangereux: autant l'anglais est une langue synthétique, directe, et qui colle bien aux réalités matérielles; autant elle fonctionne de manière assez implicite et rend difficile un vrai rapport humain quand le français, langue analytique, explicite les raports grammaticaux par des prépositions, et permet une plus grande liberté pour ce qui est de structurer sa pensée.
L'espéranto ne met pas en danger la culture, il n'est là que pour s'ajouter à la culture de la nation. Ce que je trouve remarquable en E°, c'est la possibilité de structurer ses phrases en ayant le choix entre le mode synthétique ou analytique, la liberté dans l'ordre des mots grâce à l'accusatif généralisé (Il faut savoir que ce cas existe en français mais il n'est ni généralisé et ni régulier! Il permet quand même une plus grande liberté comparé à l'anglais.). C'est aussi une excelente introduction aux diverses traditions linguistiques, agglutinantes, isolantes, etc. En fait, l'apport de l'espéranto pour une culture vraiment mondiale consiste, pour moi, dans cet absence d'arbitraire, cette sensation de liberté qui permet de prendre du recul et d'élaborer une vraie réfléxion, qui pour moi est le fondement de toute culture. Et pas d'assister en spectateur, faute de mieux, à la mise au pas d'un monde par la langue anglaise, au nom de la mondialisation.
Cordialement
Wàng
Et désolé pour mes petites fautes de frappe, je dois être un peu rouillé!
Il fallait lire, bien sûr: 'kaj lerni esperanton ne malhelpas min shati la aliajn lingvojn'
Et: 'Watashi mo nihongo (w)o benkyoo shimasu', ce qui pourrait se traduire en E° par:'mi ankaü la japanan (lingvon) lernadas', où le monème accusatif (w)o en japonais joue le même rôle que la finale -n en E°.
Wàng
Intéressant.
Petite remarque : la forme "Nihongo wo benkyô shiteimass. "(forme progressive) me paraît plus naturelle, "shimass" indiquant davantage une action future...
Je prends note. Va pour shite imasu!