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Polythéisme et pacifisme

Aujourd'hui, un professeur nous faisait remarquer lors d'une table ronde de 4h que les pays dans lesquels le paganisme ou le polythéisme étaient bien implantés étaient moins portés à faire la guerre à l'étranger, tout au moins pour des motifs religieux. Je suis resté sans réponse, car force m'est de constater que les guerres de religions déclenchées pour des motifs religieux polythéistes sont plus rares que les guerres déclenchées pour des motifs religieux monothéistes.
A y bien réfléchir, je me demande si ce ne serait pas dû au fait que les polythéistes, surtout et essentiellement les Japonais, sont fort peu portés sur la mystique ? Au Japon, plus que le bouddhisme ou le shintô, la véritable religion est la tradition. Les rites sont exécutés sans sentiment d'avoir à faire à une quelconque transcendance, et la plupart des Japonais, quand on les interroge, disent n'avoir aucune religion (alors qu'ils pratiquent des rites à la fois bouddhiques et shintô), tout le contraire des autres Asiatiques comme les Vietnamiens (à la spiritualité bouddhique très profonde) ou les Chinois (on trouve des chrétiens à la vie spirituelle riche). Ici, au Japon, la cérémonie du thé représente la religion parfaite, issue plus ou moins du zen. Elle fige le temps, apaise la pensée au lie de la canaliser en une prière, et occupe le corps en satisfaisant un sens de l'esthétique fort sûr pour tout ce qui touche les arts traditionnels. Je parle en connaissance de cause, ayant participé une fois à la cérémonie du thé à Ikoma, dans le Kansai. Mes jambes ne me permettant pas de rester plus de 50 minutes assis en "seiza" (position traditionnelle, les pieds sous les fesses, très inconfortable pour les jambes - ce qui a tendance à les arquer - mais bonne pour le dos), je n'ai pas pu tenir jusqu'au bout sans changer de position, mais pour un Occidental, c'est plutôt pas mal, la moyenne d'endurance se situant autour d'une demi-heure.
C'est la première fois que je rencontre un Japonais qui me fait l'éloge du polythéisme. La plupart du temps, les Japonais ne parlent guère de leur convictions religieuses, ou plutôt, comme je viens de le dire, de leurs pratiques.

Commentaires

  • je n'ai peut-être rien compris mais dire que le japon est un peuple pacifiste est peut être vrai aujourd'hui (malgrès son armée en irack- contre la volonté populaire) il n'empêche que pendant la seconde guerre mondiale et avant il s'est illustré comme les autres et comme un grand dans la folie guerrière.
    Cependant je suis assez d'accord avec l'analyse et j'y vois une explication basique :
    le monothéisme impose la croyance d'UNE vérité et d'une seule impliquant donc que tout ce qui s'y oppose est un mensonge (bien pratique pour partir en guerre).
    Le polythéisme intègre les doutes et les variations de point de vues habilement et donne une vision du monde à la fois plus complexe mais aussi plus pragmatique.

    mais l'idéal reste le riendutoutisme.
    (si je peux me permettre)

    mais je dis peut être n'importe quoi.

  • Bonsoir, cher laprod,

    Je ne parlais bien sûr que des causes "religieuses" de guerre, pas des guerres impérialistes ou coloniales. Et Dieu sait que le travail de mémoire n'est pas fait au Japon concernant les atrocités commises en Chine et e Corée, ni l'implication symbolique et pratique de l'alliance avec l'Allemagne nazie.
    Le polythéIsme japonais a en outre la particularité de ne pas être dogmatique. Pas de commandements, ni d'interdits bien précis. Les kamis ne sont pas des dieux au sens où nous l'entendons : ni omniscients, ni omnipotents, ni immortels, il s'agirait plutôt d'esprits supérieurs, des génies créteurs ou destructeurs puisant leur force dans la nature, la croyance et les offrandes des fidèles. Le synchrétisme en a fait des "avatars" des boddisattvas. Ils agissent comme des hommes, tantôt généreux, tantôt capricieux. Il s'agit de les flatter et de les divertir. Le kagura 神楽, art qui mèle musique et danse, très ancien et aux multiples origines mêlées, visait au départ à cela.
    Enfin, le Kojiki 『古事記』 présenté schématiquement comme "la Bible du shintô" est en fait à l'origine une tentative de légitimation du pouvoir politique impérial consistant à faire remonter cette dynastie aux kamis fondateurs (époque préhistorique).

  • je disais bien n'importe quoi.
    Mais bon c'est l'occasion d'apprendre quelques petites choses et de voir le japonais intervenir sur mon écran. Excellent. Merci.

  • C'est moi qui te remercie de tes questions toujours intéressantes.

  • IL n'y en en effet que les profs de fac qui parlent de cela. C'est un raisonnement _ pas faux du tout _ que j'ai déjà entendu et qui à l'époque m'avait surpris.
    Le prof avait raison : le polytheisme amène à la tolérance *religieuse*, pour le reste c'est une autre histoire.

    Il en va de meme si on considère toutes les "églises" ou sectes qui sont apparues en Amérique du Nord. Sans que ce soit du polytheisme, leur diversité a contribué à amener une certaine forme de tolérance bcp plus générale que ce que l'on peut trouver au Japon. Mais je considère très bien que cela puisse se discuter, voire se contester.

    Pour ce qui est du Pacifisme des Japonais, c'est une autre paire de manche. Je me contenterai de citer le lieutenant Sakaï - ancien héros de guerre, aviateur qui avait descendu un nombre très intéressant de "mustang" et que sa notoriété mettait au dessus de la censure acutelle ( il fallait préserver l'honneur de l'empereur, _ c'était à l'épque showa) . Ce lieutenant a dit :
    Les japonais ne sont pas anti - guerre, ils sont anti -defaite.
    il a osé dire ce que tout le monde pense et ne dit jamais, surtout devant un gaijin.

  • Bonjour,

    En ce qui concerne la parenté linguistique entre japonais et langue européenne, peut-être vient-elle d'une parenté entre l'aïnou et les langues européennes.

    De ce point de vue quelques faits intéressants :
    - des études génétiques ont trouvé des parentés entre certains eskimos et la population du sud-ouest de la France. La culture technique des eskimos a beaucoip de ressemblance avec la culture paléolithique de cet endroit.
    - des travaux récents sur des momies amérindiennes montrent une morphologie proche des aïnous
    - la population basque serait la plus ancienne génétiquement d'Europe.

    Une migration France -> Amérique -> Japon ?

    Cordialement,

    Jean-Louis Margot
    jlmargot@hotmail.com

  • Les guerres de religion dans les cultutres polythéistes sont en effet quasi inexistantes, et cela ne se réduit pas au Japon, mais à tous les pays qui ont un jour eu une population majoritairement polythéiste, comme la Grèce ou la Gaule.

    Je ne pense pas que votre analyse de base soit pertinente dans l'absolu (pour le Japon, j'avoue n'en rien savoir). Des pays comme la Grèce antique ou l'Inde sont extrèmement religieux et mystiques, et pourtant ces cultures n'ont jamais mené de djihad. L'explication est donc ailleurs.

    Pour moi, le fait que le monothéisme prétende apporter une vérité exclusive et totale est à la base de ce phénomène. Car cette prétention ne peut qu'engendrer des conflits avec les religions environnantes, leurs membres étant (selon les monothéismes en question) dans l'erreur, donc au mieux des démeurés, au pire des suppots du diable... Le meilleur exemple de ce que je dis est dans les textes eux-mêmes...

  • Bonjour Louis. C'est rare, un nouveau lecteur ces temps-ci. Ce que vous dites est fort juste, et corrige la non-pertinence de mon analyse, qui ne prétendait pas en être une, tout juste une interrogation ce jour-là (datant déjà de 2005 !). Depuis, si on m'avait donné l'occasion d'y réfléchir, j'aurais pu trouver d'autres pistes de réflexion, mais l'occasion ne s'est pas présentée. Enfin, le plus important dans cette note concernait le Japon.
    Merci d'être passé et au plaisir de revoir votre nom.

  • - Vous êtes aussi naïf que quelqu'un qui penserait que les motifs de Georges Bush de faire la guerre à Saddam Hussein étaient d'ordre "religieux", alors que ces motifs réels restent inchangés depuis qu'Obama a pris le relais en utilisant de nouveaux arguments mieux faits pour convaincre son électorat.
    - Dans le sens où jamais les guerres n'ont requis autant l'assentiment de foules qui n'y entendent pas grand-chose à la guerre, depuis l'entrée dans l'ère des mass-médias : on peut presque dire que les guerres n'ont jamais été aussi "religieuses" qu'à l'époque moderne.
    C'est sans doute la principale force du Japon face aux Etats-Unis naguère, l'absence de régime démocratique, quand l'atout des Yankis fut de disposer de la technique nazie.

    - Le mobile religieux des croisades est lui-même plus que douteux selon les historiens. Elles coïncident "comme par hasard" avec une crise de la papauté, une large remise en question de la théologie romaine, et surtout avec le besoin économique de se débarrasser de bandes de jeunes chevaliers errants "surnuméraires" qui opèrent des razzias dans les campagnes et saccagent tout pour un oui ou un non (à cette différence que les banlieues contribuent au bilan positif de la balance commerciale, on retrouve le même problème aujourd'hui, à l'échelle réduite : que faire des jeunes hommes de quinze à vingt-cinq ans désoeuvrés ?)
    - Pour finir, le christianisme, et en particulier le catholicisme est une religion qui se définit par rapport aux oeuvres et non comme une idéologie, c'est-à-dire par rapport à un certain nombre de croyances.
    A tel point que le catholicisme est parfois pris comme une religion plus fruste que les autres christianismes par certains intellectuels, pour la simple et bonne raison qu'il rejette précisément l'intellectualisme, le cartésianisme (Descartes est très proche du protestantisme comme tout ce qui est "baroque").

    Le catholicisme "rejetait" l'intellectualisme devrais-je dire dans la mesure où le catholicisme n'est plus que résiduel en Europe et qu'un théologien comme Luther apparaît comme beaucoup plus catholique que le pape actuel lui-même, qui compte tenu des circonstances politiques se voit réduit à une dimension folklorique comme ses prédécesseurs (Sans les subventions très importantes de l'Etat, l'Etat français par exemple, qui tient compte de l'aspect touristique, on peut douter qu'il resterait même 2 ou 3 % de chrétiens en France sans ses subventions qui ont pour effet de décharger le clergé de charges financière énormes.)

  • Bonjour Lapinos. En vous liant, je ne savais pas que vous me feriez le plaisir de venir ici laisser d'aussi intéressants commentaires. Je ne me suis jamais illusionné sur la "croisade" de G. Bush, je vous rassure.

  • La Renaissance européenne a ceci de particulier qu'elle a vu le pouvoir politique de l'Eglise romaine déclinant être neutralisé par la montée en puissance des nations. C'est sans doute ce qui explique une liberté artistique et de pensée, une diversité de points de vue que l'Europe n'avait pas connu avant et qu'elle n'a plus connu après.

    Dès le XVIIe siècle de l'art baroque, on voit que la "donne" a changé. Un Japonais qui visite Versailles doit se sentir chez lui. Le XVIIe siècle est le siècle de la photographie, passion japonaise, tentative de parer la mort par l'accumulation d'informations dont Shakespeare explique qu'elle est au contraire la meilleure façon de courir au-devant de la mort. Lorsqu'on est un peu artiste on peut d'ailleurs voir que la photographie et le cinéma "figurent" la mort en perspective.

  • L'exemple japonais n'est peut être pas le mieux choisi, mais la moindre violence générales des religions polythéistes est une évidence. Et pour cause: elles ne prétendent pas détenir de vérité absolue et exclusive.

    Par contre, dire que ces cultures n'ont pas de mystique me parait assez exagéré, même si effectivement, elles sont peut être moins portées à la mystique, puisque leurs bases sont concrètes (la nature, l'homme, la patrie...)

  • Je n'ai pas dit que ces cultures n'avaient "pas" de mystique.

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