Je vous livre ici quelques extraits de ce roman, que je lis actuellement, en espérant qu'ils vous donneront envie de (re)découvrir Balzac.
Ici le portrait de la tante par alliance, personnage éminamment sympathique, voltairien, qui aide l'héroïne à entamer un travail d'introspection.
"La comtesse de Listomère-Landon était une de ces belles vieilles femmes au teint pâle, à cheveux blancs, qui ont un sourire fin, qui semblent porter des paniers, et sont coiffées d'un bonnet dont la mode est inconnue. Portraits septuagénaires du siècle de Louis XIV, ces femmes sont presque toujours caressantes, comme si elles aimaient encore ; toujours exhalant la poudre à la maréchale, contant bien, causant mieux, et riant plus d'un souvenir que d'une plaisanterie. L'actualité leur déplaît." (chap. Ier)
Cette description de la Touraine, qui me rend presque mélancolique :
"A sa droite, le voyageur embrasse d'un regard toutes les sinuosités de la Cise, qui se roule, comme un serpent argenté, dans l'herbe des prairies auxquelles les premières pousses du printemps donnaient les couleurs de l'émeraude. A gauche, la Loire apparaît dans toute sa magnificence. Les innombrables facettes de quelques "roulées", produites par une brise matinale un peu froide, réfléchissaient les scintillements du soleil sur les vastes nappes que déploie cette majestueuse rivière. Ca et là des îles verdoyantes se succèdent dans l'étendue des eaux, comme les chatons d'un collier. De l'autre côté du fleuve, les plus belles campagnes de la Touraine déroulent leurs trésors à perte de vue..."
Enfin, le portrait du mari, un notable physiquement courageux, socialement prudent mais au fond très médiocre. Quelle actualité encore aujourd'hui !
"Ne se rencontre-t-il pas beaucoup d'hommes dont la nullité profonde est un secret pour la plupart des gens qui les connaissent ? Un haut rang, une illustre naissance, d'importantes fonctions, un certain verni de politesse, une grande réserve dans la conduite, ou les prestiges de la fortune sont, pour eux, comme des gardes qui empêchent les critiques de pénétrer jusqu'à leur infime existence. Ces gens ressemblent aux rois dont la véritable taille, le caractère et les moeurs ne peuvent jamais être ni bien connus ni justement appréciés, parce qu'ils sont vus de trop loin ou de trop près. Ces personnages à mérite factice interrogent au lieu de parler, ont l'art de mettre les autres en scène pour éviter de poser devant eux ; puis, avec une heureuse adresse, ils tirent chacun par le fil de ses passions ou de ses intérêts, et se jouent ainsi des hommes qui leur sont réellement supérieurs, en font des marionnettes et les croient petits pour les avoir rabaissés jusqu'à eux. Ils obtiennent alors le triomphe d'une pensée mesquine, mais fixe, sur la mobilité des grandes pensées. (...) Néanmoins, quelque habileté que déploient ces usurpateurs en défendant leurs côtés faibles, il leur est bien difficile de tromper leurs femmes, leurs mères, leurs enfants ou l'ami de la maison ; mais ces personnes leur gardent presque toujours le secret sur une chose qui touche, en quelque sorte, à l'honneur commun ; et souvent même elles les aident à en imposer au monde."
Commentaires
JE VIENS DE TERMINER LE LIVRE, faut dire que je vais avoir trente ans à la fin de la semaine... Je l'ai vraiment bien apprécié, mais j'apprécie encore davantage le progrès de la condition sociale féminine, du moins en nos contrées. Ce qui me taraude, notamment, au sujet du livre c'est l'acceptation tacite de l'amant et des enfants"illégitimes"par ce fameux benêt de mari, Balzac n'en dit rien? Cela confère une certaine grandeur à ce personnage,non?
Bien sûr, n'est-ce pas plus grand de la part du mari trompé ?
J'aime Balzac...
C'est bien lui dont je parlais. Il élève ces enfants comme si c'étaient les siens, ce qui accentue l'horreur des différences établies par la mère. Le passage de la noyade m'a fait penser à du Ibsen, non au niveau formel bien-sûr, mais au niveau des fautes parentales qui condamnent à mort les enfants. On peut d'ailleurs élargir cela à l'ensemble du roman. J'aime aussi Balzac...
Personne n'a d'autres remarques sur le roman, ou sur les femmes de trente ans en général? Jour J moins deux pour moi... Signé celle qui a encore la vingtaine.
La malchance de ce pauvre Balzac, comme de la plupart des auteurs dits "classiques", c'est que tout le monde croit le(s) connaître en en ayant lu trois lignes et ne cherche pas à aller plus loin. Or je donnerais nombre d'écrivains contemporains pour un Balzac. De quelque côté qu'on l'aborde, il aura toujours quelque enseignement à nous apporter. Il est allé très loin dans l'étude du coeur humain et sa dimension "visionnaire" est largement reconnue aujourd'hui (déjà Alain en parlait).
Je ne résiste pas au plaisir d'une petite citation:"(...)elle se replaça dans le coin de la calèche, et ses yeux se fixèrent sur la croupe des chevaux sans trahir aucune espèce de sentiment. Elle eut un air aussi stupide que peut l'être celui d'un paysan breton écoutant le prône de son curé."
C'est la bretonne qui parle, l'agnostique qui se tait.
Connaissez-vous l'origine du mot "plouc"?
Je viens de regarder Magnolia, grand film, et là encore les parents, leurs erreurs, leurs fautes ne sont pas épargnés. Soyez gentils avec vos enfants, message basique, simpliste mais fondamental;
A minuit moins le quart, je fais le grand saut vers la trentaine. glourps. On en est pas à Cent ans de solitude, mais je relirai prochainement ce monument.
Niark, niark.
Plouc ? Non, je ne sais pas...
Au fait, auriez-vous un blog ? Votre personnalité a lair intéressante.
Merci de vos interventions en tout cas.
Avez-vous lu L'apprenti mangaka de Toriyama? Au fait, Sous le soleil de satan est tiré du livre éponyme de Georges Bernanos. Jamais lu. Connaissez-vous feu le peintre autrichien Hundertwasser ? C'est un de mes artistes et architectes de prédilection. Couleurs flambloyantes et pensée écologique, un sacré bonhomme.
Eh non, no blog. Plouc, c'est parce qu'en nos contrées, bien des bleds commencent par "plou", Plouzané, Plougastel, Plouaret... etc, etc...
Merci pour votre intuition ou vos déductions concernant ma personnalité. Sur quelques lignes, ça vaut ce que ça vaut, mais ça n'en reste pas moins flatteur. En tout cas ça y est j'ai franchi le cap de la trentaine.
Pour en revenir au blog, je ne compte pas m'y lancer, mais un jour, quand j'aurai le temps, je construirai un site pour présenter mes "bidouillages". Par cela, j'entends quelques travaux graphiques (non numériques, plutôt huileux, acryliques en tout cas très mixtes).
Et Akira Toriyama, vous aimez?
J'aimais bien quand j'étais enfant et adolescente. Là, je ne le lis plus, mais je trouve que ce qu'il fait est fort sympathique. Dr. Slump me fait encore rire. Il y a un temps pour tout. Tenez-moi au courant le jour où vous mettrez votre site en ligne.
J'ai l'impression que personne ne va voir le mien (all.zebest.free.fr)...
J'ai lu "Sous le soleil de Satan" avant de voir le film. C'est un roman que j'aime beaucoup.
En revanche, je n'ai pas encore lu "L'apprenti mangaka". Pour Hundertwasser, je connais juste le nom grace à Blade Runner. Je vais faire une petite recherche. Merci beaucoup de votre riche participation. J'apprécie.
Je suis peut ètre un peut jeune mais pour ma pare je n'ai pas aimé ce livre. Ni l'auteur d'ailleur car de longue déscription et des scènes bien trop lente a mon gout
On a le droit de ne pas aimer. Le goût, c'est personnel. La question est : que recherche-t-on dans la littérature ? Pour certains, comme moi, il y a un temps pour tout : l'action, la réflexion, le burlesque... Les "tartines" balzaciennes sont justement ce que je préfère. Balzc a su toucher très loin, juste et profond dans son analyse du coeur humain. Laissez le temps faire le choses. Peut-être y reviendrez-vous. Et ne vous laissez pas dégoûter par les profs non plus. ;-)