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Disparition de la verticalité

Aujourd'hui, je suis tombé sur une note du "Chic type" assez intéressante sur "la culture banlieue" dont le blogueur agacé déclarait la nullité, le "moins" culturel. Suivaient plus de 20 commentaires. Un tiers de hors-sujet, un tiers de copains et un tiers de réactions violemment négatives et désobligeantes, du genre :
"En fait ils lui font tester des hallucinogènes, il est tout seul dans la pièce et il se fait un gros bad trip parano pendant une semaine :D"

"Mais t'inquiète pas on ne sent pasdu tout, à travers ton texte, que t'es aigri petit maigre et pas beau, mal dans ta peau masi des amis tu peux t'en faire aispas peur chef un jour ca viendra ok?
au fait c'était pas la peine de te prendre pour beaudelaire en ecrivant 60 lignes, jte résume la : "d'aime pas les racailles a nan, et pas les pauvres non plus tiens"
au fait j'aimerai mieux co nnaitre les diférente culture en france alors jte propose des petits stages pour qu e tu puisse m'en dire plus :
culture campagne : 2 mois dans la creuse
culture bretagne : 2 mois à quimper
culture connard : ha pas besoin de stage c'est ta culture chef"

"o fait une petite pour mon pote le blanc conservateur t'es trop bonne toi jtadore, tien un truc qui pourrait te plaire : mets ta main droite sur ton oeil droit (si c'est possible pour toi chef bien entendu) et voila une simulation de jean-marie ca te plait nan?"

C'est effarant d'incivilité (et d'illettrisme) et ça ne vole intellectuellement pas haut (je ne prétends pas que le Chic type soit un intellectuel, mais il n'a pas l'air prétentieux, lui). Qu'on aime ou pas le Chic type, peu importe. Qu'on apprécie la "culture banlieue", peu importe aussi. Ce qui me vient à l'esprit est la constatation suivante : depuis en gros, disons mai 68, il apparaît à beaucoup de gens anormal, contraire à la raison, réactionnaire (dit péjorativement) de supposer des "critères de qualité", une échelle verticale. Nous en sommes à l'époque du "tout se vaut", puisque les goûts et les couleurs dépendent des individus. C'est, ce me semble, réduire considérablement le champ de la pensée que de confondre goût personnel (intérieur, non négociable, éventuellement variable) et échelle qualitative (intérieure, non négociable, invariante en principe). On peut tout à fait légitimement aimer des choses de piètre qualité, mais il m'apparaît puéril et bête de leur prêter une qualité objective qu'elle n'ont pas. Encore faut-il un minimum d'intelligence pour saisir ce qu'est une échelle qualitative. Peut-être est-ce cela qu'on appelle "le goût" ? En Art moderne, on sent une rupture entre un monde institutionnel représenté par des magazines comme "Art Press" (magazine français comme sont nom l'indique) qui présentent à longueur de pages des discours vantant le mérite d'installations presque toujours modèles de vacuité, trou béant, habits neuf de l'empereur etc., et un monde artistique parallèle, plus exigeant, qui revendique un retour au travail, à la difficulté de la maîtrise de techniques, de règles, qui non content de fournir un cadre, loin de brider la pensée ou la personnalité de l'artiste, la libèrent.
La tendance du "tout ce vaut" est à rapprocher de celle du "exprime-toi" (j'ajouterais : "avant de réfléchir et avant de savoir parler") qui se moque de l'orthographe et de la grammaire, qui pourtant sont le cadre nécessaire à la formulation de la pensée. Sans les outils linguistiques suffisants, l'homme demeure dans la confusion et peine à exprimer ce qu'il ressent, d'où cette rage dont il a du mal à comprendre lui-même l'origine.
Je ne reviens pas sur ce problème du langage dont j'ai déjà traité auparavant.
Je résume, donc : dans le peuple, l'horizontalité, à mon sens une erreur grave, a remplacé la verticalité, le gros de la population rejetant l'idée de règles supérieures, ce qui n'est pas sans me faire penser à ce rejet de la transcendance que l'on observe tous les jours en France. Et ce phénomène est tout particulièrement perceptible lorsqu'on pense à la musique. Je suis toujours choqué, et déçu, lorsque quelqu'un que j'interroge sur ses goûts musicaux me dit aimer tous les genres sans exception, et d'évoquer le terme d'éclectisme. Je regrette, on peut aimer des choses très différentes, mais si l'on ne sait pas établir de classement objectif en fonction d'une échelle de valeurs, c'est qu'à mon sens, on n'a pas de goût.
Ainsi, lorsque je mange un sandwich, même s'il me procure du plaisir, je ne saurais le mettre sur le même plan qu'un plat élaboré cuisiné par un professionnel. Je fais la part des choses entre un plaisir simple, et un plaisir raffiné. Je peux préférer (par goût personnel) parfois le plaisir simple, mais objectivement, je reconnais la prééminence du plaisir raffiné sur mon échelle de valeur. Autrefois, le paysan qui dansait sur sa musique villageoise éprouvait plus de plaisir qu'à l'écoute d'un menuet, pourtant il ne lui serait jamais venu à l'esprit de dire que sa bourrée surpassait la musique de la Cour, c'aurait été inconcevable. Plaisir (subjectif) éprouvé et qualité (objective) n'étaient pas confondus, et l'esprit français ne s'en portait que mieux.
Aujourd'hui, ce n'est hélas plus le cas, où l'on nous dit : "le R'n'B, c'est de la culture". Oui, si l'on prend le mot culture au sens large, par opposition à nature, (et il sera toujours intéressant d'étudier le phénomène à titre sociologique) mais ce n'est pas à mon sens de l'Art (sauf peut-être la danse R'n'B, à mon sens l'élément le plus réussi de ce mouvement, mais je ne suis pas spécialiste) ). Il ne faut pas confondre moyen d'expression culturel et oeuvre d'Art. En adoptant cette attitude subtile et aujourd'hui si DERANGEANTE, je m'expose, hélas pour moi, à me faire traiter de tous les noms, comme le pauvre Renaud CAMUS ou Alain FINKELKRAUT, qui pour moi sont les rares représentants d'une Culture exigeante qui suppose un axe vertical. On les traite de "réactionnaires". Ce terme qui a le plus souvent une valeur d'insulte devient, lorsqu'il est appliqué à des gens dans ce contexte, la plus belle des médailles. Si en écrivant ces lignes on me juge réactionnaire, eh bien pour le coup j'accepte le qualificatif et entre en "réaction" contre la pensée dominante.

Commentaires

  • Merci doublement, chère V., qui me prodiguez à la fois le doux miel de l'encouragement, et le conseil avisé que je recherchais.
    Puisque j'y suis, encore une question technique : savez-vous comment faire apparaître les retraits d'alinéa après un saut de ligne ?
    Bonne continuation.

  • Post vraiment plutot bien cisele que j'apprecie... Clap clap de bravo!

    PS: J'ai lu je ne sais plus ou ni quand que vous recherchiez des conseils pour "justifier" vos textes. Il convient d'aller dans la configuration avancee et de changer dans la feuille de style le "left" ou "center" par un simple "justify"... Bonne chance et a bientot.

  • Hi hi hi !

    Sur mon Moisiblog 1 (chez Ublog), j"avais poste ma propre poesie RnB, histoire de rigoler un peu. J"ai recu il y a peu un commentaire absolument irresistible a propos de ce chef d"oeuvre litteraire; je vous reproduis donc ma chanson, suivi de sa critique par l"internaute inspire.
    _
    j'aime ton style, bébé, je te kiffe grave. tu es ma lady lady lady baby oooh yeeeaaaahh mmmmmmoooouuuhhyeah. je veux te kisser toute la night comme un gangster qui cambriole ton coeur, dévalise ton âme, ouais bébé laisse moi faire un hold up au fond de tes yeeeeuuuux whooooo yeeahheeaahh mmmmyeah
    si tu savais
    mon bébé
    tout ce que tu m'fais
    comme effet
    si tu savais
    tu fais chanter
    mes nuits et mes journééééééeeeeessmmmmmwouwouwouwou
    yeaaahhh poupée j'aime ton style
    je te kiffe grave
    j'aime ton style
    j'aime ton style

    yeah baby j'aime ton style.
    _


    > commentaire anonyme:

    tro pitié ta musique!!!!!
    Franchement casse toi, sa fait tro le gamin qui veut se la jouer "arret racaille" mais ki connais rien ni aux filles, ni à la vie, et en + tu sais meme pa écrir, ta le style a K-maro é franchment, tu fais moin pitié que lui; mais tout ossi nul ke lui tachanson!!! Alors oubli la paske si ki disent kil laiment bien c'est tes potes é ils veulent pa te blesser c'est tout!

    _
    Ca se passe de commentaire.

  • Excusez-moi de prendre tant de place sur votre page.

  • C'est bien drôle. Ca me fait penser à Booba, rappeur dont Zlu et Tacchan ont décidé de se moquer sur son forum sous des noms d'emprunt en provoquant les fans.
    http://booba92i.artistes.universalmusic.fr/forum/
    La présentation du rappeur sur ce site est à mourir de rire par son premier degré béat d'admiration : on le compare à Proust, à Rimbaud... Welcome to real world !
    Merci d'être passé.

  • C'est bien ce que j'ai écrit. Il s'agit d'"un moyen d'expression culturel" (ou moyen culturel d'expression pour être plus explcite). "Rapper", "dire", "rhétorique" (car le rap est codifié), nous sommes d'accord.
    Merci d'être passé. A bientôt.

  • salut all-z
    je souscris evidemment à votre analyse de la médiocrité qui remplie nos ghettos.
    néanmoins issu de ces zone de haine généralisée, je dirai qu'il fût un temps où raper voulait dire quelque chose. je vous assure incomparable avec la bêtise des clips formatés d'aujourd'hui.
    je pense à afrika bambaata...
    le rap était aussi un moyen de mettre en avant sa rhétorique ..incomparable avec les élucubrations des racailles...

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