[MC-Croche 8 continue sur sa lancée et nous offre un troisième chapitre assez savoureux. Je ne dis qu'une chose : "La suite ! La suite ! "]
Chargé, par intérim, de la rubrique culturelle il eut à résumer pour ses lecteurs l’ouvrage de Douglas P. Dunleavy junior : Changer sa vie en dix leçons : les clés de l’harmonie intérieure. L’auteur, ex diplômé en psychologie de l’université de Saratoga mais présentement directeur-fondateur d’un institut de « maximisation mentale » ayant toutes les apparences d’une secte, y prônait les vertus d’une méthode dite de « l’introspection analogique », méthode dont il était le concepteur et qui était censée résoudre tout conflit entre ce qu’il appelait le « Moi » profond et « l’Ego » social. En fait, il s’agissait, par le biais d’une longue série de questionnaires à choix multiples, de déterminer avec une précision optimale la nature profonde du lecteur, ou plus exactement ce que Dunleavy junior préférait appeler son « noyau atomique intérieur », étant bien entendu que chaque réponse se devait d’être absolument irréfléchie, en conformité parfaite avec le principe d’analogie voulue par la méthode. Le dixième chapitre, grâce aux type de réponses obtenues, vous permettait enfin de savoir à laquelle des six catégories d’ego recensées par l’auteur vous pouviez prétendre appartenir, et dont celles du « réaliste compulsif à tendances globalisantes » ou du «ludo-maniaque post-adolescent » n’étaient pas les moins pittoresques. Les principes généraux de l’introspection analogique étaient ensuite résumés en une lumineuse postface par laquelle Douglas P. Dunleavy précisait en quelque sorte sa philosophie de l’existence : « vis ta vie pour toi-même », « vas au bout de tes rêves », « libère ton moi profond et le Monde sera tien », telles étaient, en résumé, les ultimes conseils du psychologue maximaliste.
Soit qu’il eut trouvé là, et pour la première fois, l’expression détaillée d’une intuition confuse, soit qu’il y ait entrevu en un éclair sa véritable vocation, toujours est-il que ce bref opuscule à tendance « new-age » fit sur Raul Bottello l’effet d’une « révélation ». Au terme d’une semaine de cogitations intenses il réunit ses maigres économies et partit pour Paris par le premier vol charter. C’est dans une petite chambre de l'« Hôtel du Midi », modeste établissement de troisième zone qui, même à Pigalle où il était situé, passait pour particulièrement miteux, qu’il accoucha en une quinzaine de jours de son premier bouquin, s’aidant en permanence du dictionnaire franco-portugais qui l’accompagnait depuis le lycée, d’une vieille Bible passablement éculée et d’une « encyclopédie des symboles » jadis publiée par le Reader’s Digest.
On dit que la fortune sourit aux audacieux et cet adage contestable devait pourtant trouver une éclatante confirmation en la personne de Raul Bottello puisque ayant expédié son manuscrit aux éditions « Nord-actions », il reçut par retour du courrier une fort courtoise invitation à rencontrer son directeur, Jean-Édouard Dupont-Lehman… Celui-ci, avec un « flair » hors du commun, avait su discerner qu’en dépit d’un français parfois un peu étrange, le Pèlerin initiatique, car tel était son titre, collait parfaitement à « l’air du temps ».
De fait, après qu’il eut subit le toilettage linguistique indispensable, le succès ne se fit guère attendre : national tout d’abord, puis assez vite européen et même mondial, l’ouvrage ne totalisant pas moins de cinquante traductions… Ce n'était plus seulement un événement littéraire, d’importance finalement négligeable : c’était indiscutablement un événement médiatique.
Lire le chapitre IV
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Le sabre du grimpant (III)
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Le sabre du grimpant (II)
[MC-Croche 8 est un homme très affairé. Il a tout de même pris le temps de rédiger la suite de sa nouvelle que je lui réclamais à corps et à cri.]
« La journée commence bien… » soupira Bottello qui, histoire de passer le temps autant que d’oublier cet incident bizarre, entreprit de relire une nouvelle fois le C.V de Pierre Etienne Ancelin, le seul qu’il eut sélectionné au terme d’une recherche éprouvante En effet, ça n’avait pas été une mince affaire que de découvrir enfin, parmi une masse énorme de candidatures dont la plupart étaient absurdes quand elles n’étaient pas burlesques, celle correspondant idéalement au profil recherché et cumulant les qualités multiples, et quelquefois contradictoires, exigées par un poste aussi discret qu’indispensable : secrétaire particulier d’un homme de lettres.
A la vérité, cela ne faisait guère plus d’une année que Raul Bottello s’était peu à peu convaincu de la nécessité d’être ainsi secondé dans ses activités littéraires… Auparavant, il avait tout assumé seul et ne devait qu’à lui-même son incroyable réussite ; toutefois, il ne pouvait maintenant se cacher davantage certains faits déplaisants : son inspiration piétinait, l’écran de son ordinateur restait trop souvent vierge et, pire que tout, la vente des ses deux derniers livres accusait un tassement inquiétant… Un apport de sang neuf devenait indispensable et c’est au choix judicieux d’un élément extérieur que s’en remettait Bottello pour réussir la transfusion.
Sur ce plan, il faut bien admettre que le dossier de Pierre Etienne Ancelin paraissait prometteur… Titulaire d’une maîtrise en littérature comparée, passionné, en outre, par la langue et la civilisation japonaise jusqu’à être bilingue autant qu’expert en arts martiaux, il possédait aussi l’avantage, décisif aux yeux de Bottello, de préparer une thèse monumentale sur son œuvre… Sa lettre de motivation, quoiqu’un brin exaltée, peut-être, dans sa formulation, supposait la promesse d’un dévouement aveugle à la cause du Maître et une admiration sans faille.
Sensible jusqu’à la dépendance à ces vapeurs d’encens, Bottello n’avait pas hésité trop longtemps pour choisir ce jeune homme à la fois si brillant et si bien renseigné, et c’était lui qu’il attendait dans les salons du « Royal Swiss Palace » avec une impatience grandissante.
Avant que d’assister à une rencontre qui devait s’avérer, pour l’un et l’autre, d’une importance capitale, il conviendrait sans doute de revenir un instant sur la carrière fulgurante et rien moins qu’orthodoxe d’un écrivain parvenu, en moins d’une dizaine d’années, à une popularité aussi complète que surprenante.
Comme l’avaient constaté de nombreux critiques, Raul Bottello était apparu tel une sorte d’« OVNI » dans le paysage littéraire mondial, et l’on est obligé d’avouer que rien dans son passé ne semblait le destiner à connaître pareille gloire.
Brésilien d’origine, il s ‘était, au terme d’une scolarité quelque peu « chaotique », essayé à des emplois divers…Dans le meilleur des cas, cela n’excédait guère six mois, soit qu’il y eut entre ses patrons et lui incompatibilité manifeste, soit le travail proposé se révélât trop en dessous de ses aspirations. C’est ainsi qu’on le vit successivement : « saute-ruisseau » dans l’étude du notaire Da Silva, vendeur-démonstrateur au sein d’une grande entreprise de sanitaire, et même joueur de maracas dans le petit orchestre de Joao Santos-Lopes, qui se produisait alors, sans trop de succès, dans les bars à touristes…
Le salut lui advint de façon très inattendue, alors qu’il terminait un stage au « courrier de Sao-Polo », feuille locale ou il était entré grâce à la protection d’un chef-typographe amateur de sambas.
Lire le chapitre III -
Vous voulez vivre et travailler aux Etats-Unis ? Attention !
Je viens de vérifier que la publicité qui figure au dessus du nom de ce blog, pour la lotterie du Congrès des Etats-Unis permettant de gagner une carte verte ne vient pas du gouvernement mais d'une société privée qui se charge de recueillir moyennant finance, les demandes. Bien évidemment, je n'ai pas payé ! Moi pas payer, moi Français !
La preuve avec ce site qui m'a l'air, lui, tout à fait officiel : http://www.dvlottery.state.gov/ -
Toda of the Dead (4)
Axel sursauta : le Furûtsu.paradaizu était à présent entouré de bâches blanches, et des hommes en combinaison anti-bactériologiques s'afféraient en masse, et couraient en tous sens, comme affolés. Bon sang ! pensa-t-il. L'une de leur cuves toutes fendillées a dû péter ! Malgré sa fascination pour le spectacle, il se détacha de la fenêtre et remonta le long couloir, éclairé au néon, entendant ça et là, faiblement, quelques toussottements et toujours ces mêmes bruits de coups contre les murs ou les portes. Arrivé à la chambre de Fabien, il frappa doucements trois coups. Il savait que le Toulonnais n'aimait pas être dérangé, aussi était-ce la première fois qu'il se risquait à cet acte. A peine avait-il frappé, que ce fut son plus proche voisin, Guillaume, qui sortit : "Je t'ai entendu frapper, alors je me suis dit qu'il y avait peut-être un problème...
- Non, je viens juste voir comment va Fabien.
- Au fait, tu as vu le Furupara ? C'est l'évasion des fraises mutantes ou quoi, hahaha. Les voir en scaphandre de l'espace, ça m'fait trooop rigoler !"
Axel n'avait pas encore pensé à sa réponse que la porte s'ouvrit lentement...
Il eut un imperceptible tressaillement du sourcil gauche lorsqu'un silhouette allongée et courbée parut dans l'entrebaillement de la porte. Fabien était enveloppé dans un édredon bleu foncé, et le visage qui en sortait semblait surgir de ce violent contraste de couleurs. Blanc, picotté de taches brunes, les yeux jaunis et troubles, la peau humide, cette face nouvelle s'imposa aux visiteurs. Guillaume ouvrit de grands yeux, et commença : "Ouh là, ça s'arrange pas ! A ta place, je m'inquièterais.
- C'est le Pablo qui vous envoie ?", fit la voix afaiblie, mais encore caractéristique, avec ce léger accent méridional . "Genre, il te conseille d'y aller, mais il n'y va pas lui-même. Deux poids, deux mesures. De toute façon, après l'incident du CD et l'affaire du fromage...
- Qu'est-ce que tu as, au juste ?", coupa Axel, passablement inquiet et qui n'avait pas envie de perdre du temps pour des bêtises.
"- J'ai pris la crève, une sacré crève. J'ai de la fièvre, je crois. J'ai froid, des sueurs etc. C'est toujours moi qui m'tape toutes les merdes". En l'écoutant parler, Axel put constater ce changement dans l'haleine que Guillaume lui avait décrit précédemment. Fabien, d'habitude si propre sur lui, avait toujours bonne haleine. Là, il ne pouvait s'agir que de la maladie. Il grelottait.
"- Laisse-moi te tâter le front", fit Axel, et il avança sa main vers le front sur lequel des cheveux étaient collés par la sueur. Au contact, Axel retira immédiatement sa main. Le front, loin d'être brûlant, était au contraire froid, non pas frais, mais bien froid. Après une seconde au cours de laquelle il jeta un regard à Guillaume, Axel reprit avec énergie : "Va immédiatement te coucher. Je vais chercher un médecin". Fabien tourna les talons et se dirigea vers son lit. La porte se referma sur les visiteurs, mais ils entendirent tout de même ces mots : "j'aurais dû faire du chinois".
Pendant cinq bonnes secondes, Axel et Guillaume se regardèrent, bien incapables de parler, puis Guillaume rompit le silence : "Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Comme j'ai dit, je vais chercher un médecin.
- Et moi, je vais veiller sur lui. De temps en temps, je sortirai sur le balcon et je jetterai un coup d'oeil dans sa chambre.
- Je n'sais pas si c'est une bonne idée d'aller sur le balcon.
- Oui, t'as raison, alors je vais attendre que tu reviennes avec le médecin.
- Oui. On se tient au courant s'il y a du nouveau. J'y vais, je m'dépèche. A plus." A peine Axel avait-il prononcé ces paroles que la porte d'en face se mit à retentir de coup sourds et assez violents. Comme si un corps mou tentait de l'enfoncer de l'intérieur.
- Mais qu'est-ce qu'il a, l'Homme-à-tête-de-fugu, ce soir ? fit Guillaume. Il est devenu fou ?" A ces mots, la porte s'ouvrit d'un coup et le personnage en question apparut, méconnaissable. Déjà assez imposant par sa taille et sa corpulence au dessus de la moyenne, celui qu'ils appelaient l'Homme-à-tête-de-fugu en raison de sa ressemblance troublante avec ledit animal se tenait devant eux, essoufflé, les yeux jaunes, injectés de sang, le visage violacé recouvert de plaques marron semblables aux tâches qui constellaient celui de Fabien. En dix mois, il n'avait répondu qu'une seule fois à la salutation d'Axel. Les deux jeunes gens, peu habitués à cette voix, furent peu rassurés devant cette intrusion soudaine, et en entendant le râle plus que le cri, qui sortit de cette bouche. Le colosse, légèrement courbé, les regarda l'un, puis l'autre, toujours essoufflé, puis, transformant son râle en une sorte de sifflement guttural, sans même prendre son élan, se jeta violemment sur Axel.
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A la rescousse de France culture - si faire se peut
On sait le mal terrible que Mme Laure ADLER a fait à la direction de France culture en supprimnt des émissions très appréciées des auditeurs et d'un bon niveau intellectuel : le Panorama, Stacatto d'Antoine SPIRE, les Décraqués, Les chemins de la Musique... et en les remplaçant par des émissions de qualité micro-trottoir. Je ne suis pas contre des reportages d'une heure, mais je ne pense pas que tous aient leur place sur France culture, radio qui à la base était une Université populaire.
J'ai encore de vieilles cassette audio d'émissions enregistrée à la hâte et qui resteront chéries dans mon coeur, notamment un Panorama sur les écrivains du XVIIè siècle, ou encore les interventions nerveuses (avec lesquelles je n'étais pas toujours d'accord, d'ailleurs) d'Antoine SPIRE (sus-cité).
De même que FIP était devenu "Le mouv", jetant au rebus les rares programmations de jazz (ne parlons pas de la musique classique, considérée par la bourgeoisie aux commandes comme une musique "élitiste", donc haïssable), France culture a perdu un bon quart de ses programmes de qualité. La petite dame sensible sus-citée nous dit : Oui, mais la radio a gagné en audience ! Je lui réponds : Je ne me soucie pas de l'audience sur une radio de ce type : elle n'a pas à flatter les bas instincts (à commencer par la facilité), mais à fournir un savoir exigent, de qualité, en accord avec sa mission de radio publique de service public (une bonne répétition pour que tout le monde comprenne). Elle est la dernière à encore le faire. C'est en continuant ce nivellement qu'on fait de l'élitisme, puisque le nombre de ceux qui savent lire et écrire correctement le français, qui ont des références littéraires et musicales (pour qui Beethoven n'est pas un chien et Bartok pas une chauve-souris, mais sont deux musiciens...) continuera de se réduire comme une peau de chagrin (qui sait encore que cette expression provient d'un roman de Balzac, et que le chagrin est un "onagre", non pas un onaniste, mais un âne sauvage, décrit comme un animal fabuleux par le maître ?). Et je ne parle bien sûr pas uniquement de France culture, mais d'une tendance plus générale sur laquelle je reviendrai dans une prochaine note.
Aujourd'hui, je suis tombé (grâce à Acrimed) sur cette pétition, adressée notamment au nouveau dircteur de la station, M. David KESSLER. Il s'agit d'une chose très simple : consulter les associations d'auditeurs pour l'établissement des grilles de programmes. C'est une requête raisonnable et qui, je le crois, aurait tout à apporter à la fois à la station, et aux auditeurs. Je l'ai signée, et pourtant, je n'ai rien d'un "suffraget", ni d'un militant associatif. J'ai juste saisi l'occasion (désespérée, j'en ai peur, mais qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ?). On verra bien ce que ça donne.