Je tiens à préciser tout de suite que je ne suis pas un fan de manga. J'aime bien les mangas, mais j'apprécie tout autant certains comics, voire quelques rares auteurs franco-belges.
Bref, si je présente cet auteur, c'est un peu comme un instantané, un "bonus" dans ce blog qui parle plutôt d'autres choses. Il arrive que parmi la foule des produits que les magasins nous présentent, un se détache des autres et s'impose en nous comme oeuvre. Je ne parlerai pas ici d'Art, mais d'artisanat de haute volée. Je suis tombé par le plus grand des hasards sur l'oeuvre de SENDÔ Masumi 仙道ますみ dans un magasine de prépublication de BD qui avait été jeté à la poubelle. J'ai ainsi ramassé le bottin, et parmi la vingtaine de bandes dessinées, celle de cet auteur s'est imposée immédiatement à moi avec l'évidence du coup de foudre. Au départ, j'ai tout de suite été attiré par les dessins, efficaces et gracieux, par la vraisemblance des mimiques, puis je me suis mis à lire, et le deuxième charme de cette oeuvre m'est apparu d'évidence. Au delà de ce joli dessin se cache une maîtrise du scénario (surtout à partir du 2ème volume), un souci du détail que ce soit visuellement, dans la présentation des situations ou tout simplement dans les dialogues. Les personnages m'ont tout de suite attiré, non comme des héros le feraient, mais parce que ce sont des personnes ordinaires et sympathiques, souvent en souffrance. Aucun pathos, aucun larmoiement, des bons sentiments mais jamais de mièvrerie. C'EST LA VIE qui nous est montrée et qui palpite sous nos yeux, des instants insignifiants comme des traumatismes. Avec Renji 恋治, le héros, nos apprenons, nous réapprenons, nous revivons la vie, l'expérience amoureuse, la première fois, sans jamais le moindre mauvais goût ni la moindre complaisance. Les femmes ne sont pas méprisables, et c'est souvent Renji qui est à blâmer. Pourtant, il n'est pas méchant, tout juste un peu "chien fou" en raison de son jeune âge (il a 20 ans). Sans vouloir trop en dire (j'ignore à l'heure où j'écris ces lignes s'il existe une version française de cette oeuvre), je vais présenter en quelques mots "Ai あい - You don't know what love is" (L'amour - Tu ne sais pas ce que c'est) (12 volumes parus à ce jour) :
Renji, tout juste entré à l'université et qui ne rêve que de devenir photographe de charme, voit un jour débarquer chez lui, au moment le plus mal choisi (vous imaginez) sa soeur dont il était sans nouvelles depuis plusieurs années. Celle-ci a beaucoup changé et l'adolescente ronde est complexée est devenue une belle jeune femme. On ne sait pas trop, mais elle semble avoir connu des expériences douloureuses. Elle s'installe chez lui et décide de l'initier (par ses conseils et un tout petit peu plus) à l'amour tel qu'une femme l'attend. Renji suivra les bons conseils de sa soeur et deviendra un véritable Casanova. Tout pourrait sembler joyeux et libertin, s'il ne s'agissait en réalité d'une histoire de peurs, de frustrations, de souffrances, de coeurs saignants et d'incertitude torturantes. Renji souffrira, mais que dire de la peine ressentie par les femmes qui croiseront sa route : Ami 亜美, la jeune prostituée ; Kagami 鏡, l'étudiante garçon manqué, elle aussi photographe ; Mamiko 真実子, ma préférée, une jeune femme trop enrobée, personnage bouleversant. La soeur de Renji, Eri 愛里, est encore celle qui tire le mieux son épingle du jeu, mais il lui en coûtera quelques larmes.
Récit vraisemblable, vrai comme la vie, mais pas vériste, fiction intimiste pratiquement inconnue au Japon même, Ai est une oeuvre qui m'a touché au plus profond du coeur.
On pourra se reporter au site de SENDÔ Masumi pour se faire une idée de son style de dessin. Certes, ce n'est pas Léonard de Vinci ou El Greco, mais pour de la BD, c'est très bien, esthétique, sensible, et les oeuvres de maturité révèlent, sous un style apparemment masculin que n'avaient pas les oeuvres de jeunesse (notons que "Masumi" est un prénom unisexe, comme Dominique chez nous, statistiquement plus porté par les hommes), une sensibilité toute féminine. J'ai d'abord cru que Masumi était un homme, mais lorsque j'ai découvert mon erreur, j'ai regardé ses dessins, considéré sa narration d'une autre façon, plus posée, plus attentive, et j'ai perçu ce qui m'avait échappé.
Un de mes trois coups de coeur manga en deux ans...
(A noter que la précédente série de SENDÔ Masumi, Etchi 『えっち Girls Can't Help Falling in Love 』 (Cochonneries - Les filles ne peuvent pas s'empêcher de tomber amoureuses), est épuisée et que l'éditeur n'envisage pas la réimprimer. J'ai réussi à me la procurer, mais il me manque encore deux volumes. Une note est en préparation.
Ai - You don't know what love is est (encore) publié aux éditions Shûeisha 集英社).
all-zebest - Page 74
-
Coup de coeur - SENDÔ Masumi 仙道ますみ (1)
-
Premier point sur le blogue
Ce blog commence a avoir sa petite trentaine de lecteurs, ce dont ma vanité se félicite. Leurs commentaires bienveillants et intelligents (spécial dédicace à laprod, V. et Zlu), leur assiduité qui m'honore (notamment le Stalker) me font chaud au coeur. Je vous remercie.
Aujourd'hui, j'ai visionné deux films dont je compte vous donner les notes de critique quand j'aurai le temps. Je peux déjà vous dire que l'un des deux était "House of the Dead", un authentique nanar récent... -
Mode 1 et féminisme de l'auteur
En ce moment, du côté de Shibuya (Tôkyô), c'est la mode des sous-vêtements portés sur les vêtements. Moi qui déteste la dentelle, non seulement je trouve ça non excitant, mais en plus vulgaire. Au Japon, qu'une jeune fille puisse s'habiller plus vulgairement qu'une prostituée m'attriste, car elle ne se rend pas compte de l'image qu'elle donne, et en même temps me réjouit dans le sens où l'on peut se vêtir comme on veut, on n'est jamais embêté dans la rue. Le sublime y côtoie le ringardissime ou le vulgaire, et les hommes font semblant de ne rien voir, ou bien sont blasés. Il faut dire que les images de jolies filles sont présentes partout, et les filles qui s'habillent comme les mannequins les plus sexy sont légion. Au début, l'homme occidental que je suis était assez émerveillé. J'avais l'impression d'atterrir dans une sorte de paradis, mais très vite l'instrumentalisation du corps de la femme, sa chosification mercantile me sont apparues et la rêverie a cédé la place à l'écoeurement. Comment me sentir bien, quand je ne vois que des femmes objets ? Où est le progrès là-dedans ? Que font les femmes pour éduquer les hommes ? En France, nous avons des féministes actives, mais nous avons aussi les seins nus sur les plages ou comment les femmes se chosifient elles-mêmes (une photo de charme ne me choque pas, mais des seins nus à la vue de tous me choqueront toujours, sans doute parce que j'attribue une grande valeur érotique à la nudité féminine). Au Japon, les féministes sont infiniment minoritaires, et les femmes sont en petites tenues et se trémoussent de façon grotesque sur des rythmes néo-yéyé ou techno survitaminée pour arracher un éclair de lubricité au consommateur masculin actif potentiel.
Les femmes japonaises qui atteignent des postes à responsabilités sont l'objet de toute mon admiration dans ce monde machiste (mais sûr) qu'est le Japon. -
Des ménages m'en... et indigestion visuelle de nouilles
Je viens de perdre une heure de texte rédigé directement sur le blog. Je recommence sur le même sujet, sans la verve du début, sur mon bloc-notes, et ce sera un copié-collé des familles.
Aujourd'hui, j'ai commencé à envisager mon déménagement d'août (eh oui, les meilleures choses ont une fin), et ma dizaine de cartons , pleins, à moitié pleins (ou à moitié vide : au fait, êtes-vous optimiste ou pessimiste ?) et vides m'a singulièrement rappelé aux contingences matérielles. Je vais devoir cette fois prévoir le retour d'affaires accumulées pendant trois ans, et qui avaient déjà transité par deux fois dans le Japon (avec les problèmes de stockage que cela peut poser). Il va me falloir jouer réfléchi (en essayent de payer le moins possible : un déménagement à l'autre bout du monde quand on est étudiant, vous imaginez), en gérant mes stocks : ce dont j'ai encore besoin ici, et ce dont je me défais petit à petit, sachant que par bateau, il faut entre deux et trois mois... Les livres représentent l'essentiel de mes acquisitions. Rien que concernant mon sujet de thèse, j'en ai déjà accumulé un plein gros carton. Heureusement que le soir je fais (ces derniers temps) une pause bien méritée. Un pruneau fourré au pruneau (ma famille m'en a envoyé trois sachets et j'en ai reçu un quatrième en cadeau d'un camarade français !). Sans être un inconditionnel des pruneaux, j'en mange régulièrement, tous les jours (en modeste quantité, car je suis un plus gourmet que gourmand et pour éviter les désagréments du lendemain), et c'est assez plaisant. Ca n'est parfois pas sans éveiller en moi un certain plaisir, notamment lorsque j'écoute la radio en même temps, par exemple France culture (je reviendrai sur ce sujet un autre jour) ou de la musique (en ce moment, par exemple, Haydn ou Mendelssohn). Je m'égare : eh puis quoi encore, du plaisir ?! Et pourquoi pas de la gastronomie pendant qu'on y est ?! Assez d'impudique déballage masticateur ici !
Ce qui m'amène à penser que la nourriture est au coeur de la vie érotique, urbanistique et constitue un des sujets de prédilection des media au Japon. En une journée, sur une chaîne il passe plus d'émissions ou de (publi-)reportages concernant la nourriture que sur toutes les chaînes françaises réunies en deux mois.
Au titre de l'urbanisme, on cultive des légumes dans le sous-sol d'une ancienne banque (un gratte ciel), et tous les centres commerciaux disposent d'un marché couvert, souvent des épiceries fines, au sous-sol du gratte-ciel qui les héberge.
Lorsque je suis arrivé pour la première fois à Tôkyô, l'odeur de la sauce de soja, omniprésente, m'a sauté au nez comme l'avait fait celle de l'iode lors de mon premier séjour en Bretagne, habitué que j'étais à la Méditerranée. Lors de mon deuxième séjour, je ne sentais déjà plus rien.
Dans une émission populaire, deux "gros tas" (pour reprendre l'expression d'un de mes sempais) s'extasient à en pleurer sur des nouilles au jus ou des tranches de porc transgénique aggloméré pané (tonkatsu トンカツ) qui y surnagent mollement. Ils ont même popularisé une expression de leur cru : "Mayû マユー" (Il est omb !! : verlan japonais de "Umai うまい" : Il est bon) dans le troquet du coin, au grand contentement des employés dudit établissement. C'est toujours pareil, et personne ne se lasse, ni les "gros tas", ni les sponsors (qui rappellent régulièrement leur juteuse présence), ni les spectateurs qui jettent un oeil fatigué et distrait sur l'écran lumineux saturé de sous-titres "amusants".
Ce soir, était diffusée l'émission hebdomadaire au cours de laquelle des trentenaires (joyeux ?) déguisés en lycéens (dont une jeune femme assez attirante et au bagout réjouissant) dégustent des plats concoctés par un chef chaque semaine différent. La soirée est entrecoupée de reportages, notamment sur les cuisines du chef, et s'achève par l'épreuve tant redoutée par nos convives qui se sont "pétés le bide" : l'addition. Il s'agit de deviner le prix de chaque plat. Celui dont le total s'éloigne le plus du prix réel paye la douloureuse pour tous ! Bien que les participants (comme l'invité de la semaine) puissent tout à fait se le payer, et que celui qui pleure aujourd'hui tout haut se réjouira la semaine suivante tout bas (mais souvent tout haut aussi), n'empêche pas les notes de s'élever de 200 000Y (2000 E.) à 1 million (10 000 E.)... Pendant l'émission, la ménagère attentive aura relevé sur son cahier les recettes données à la hâte par le chef du moment.
Vous reprendrez bien une tranche, cher sempai ? -
Des packs de lait
Ce soir, la machine à rendre idiot (= la télévision) diffusait un reportage sur une famille pauvre très économe, obligée de déployer des trésors d'ingéniosité pour vivre décemment. La mère était très active et bricoleuse. Pour assurer au fils préadolescent un minimum d'intimité dans le studio (quatre murs sales en déliquescence et un toit), elle avait commencé de bâtir un mur avec des packs de lait. Assez long (3 mètres ?), il faisait déjà un mètre de haut. Quand le fils aura 30 ans, il atteindra le plafond ! Mais ces packs de lait ne servaient pas qu'à cette maçonnerie de fortune : bien attachés entre eux, ils avaient également été employés à la fabrication d'un lit, recouvert d'un futon. Aux dires du journaliste, il était très ferme. Mais était-il très solide ? Les fameux packs servaient aussi de tiroirs de rangement et de présentoir de papier hygiénique. Difficile de savoir quelle était l'intention du journaliste devant ce reportage : faire l'éloge de la débrouillardise et de la simplicité ? Fournir une idée "amusante" de bricolage pour une séance de distraction en famille ? Se moquer de la misère d'une famille et de son mauvais goût ? Peut-être un peu tout à la fois. Notons aussi que ce sujet était diffusé dans une émission de divertissement en prime time...
J'aurais pu ressentir beaucoup de peine pour ces honnêtes gens, s'il n'y avait eu une lueur d'espoir : par leur(s) économie(s), ils avaient réussi à mettre de côté, en un an, 1 million de Yen (soit 10 000 E.).