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Littérature 文学 - Page 5

  • Octobre russe de Serge RIVRON

    Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre que j'ai aimé. Je le fais trop peu et je le regrette. Mais cette fois, j'ai décidé de me bouger et je vais écrire deux mots sur l'Octobre russe du maître RIVRON, en tentant de mettre un peu d'hommage rivronesque dans mon style.

    Tu crois que t'en as pas grand chose à secouer le palmier des pensées profondes de Rivron sur son séjour en Poutinie, eh bien t'as tort, et même grand tort, parce que là, on n'est pas face à une petite pointure. Rivron, mon gars, c'est de la vraie littérature. D'abord et avant tout, parce qu'il a un ton. Ca peut t'apparaître pédant, ce dont j'te cause, et pourtant c'est du vrai de vrai : le style, c'est TOUT, c'est ce qui fait qu'un livre passe de chose écrite à oeuvre littéraire.

    D'abord, que je raconte l'affaire, histoire que tu te sentes pas trop mis de côté (c'est pas mon style de laisser le visiteur sur le bord du chemin, j'suis bon chrétien, moi aussi) : alors voilà, le bonhomme décide de faire un voyage à Moscou en car - parce que l'avion, ça lui fait peur (ne ris pas, c'est son choix, et en plus, ça permet de vraiment VOYAGER, et pas seulement de se rendre d'un point A à un point B en ignorant tout (et croyant tout savoir) de l'entre-les-deux). Sur place, il doit retrouver un ami metteur en scène français et sa troupe franco-russe et tout le petit monde franco-russe lui aussi de la culture et affiliés, si tu vois ce que j'veux dire. C'est l'occasion de bien croquer la galerie des théâtreux, des culturels et autres officiels (même des politiques) lors de scènes de "pince-fesses" plus vraies que nature, les mécènes de province (Ah, Gatov ! ) et bars de la capitale, de décrire du péquin russe de base aussi, y compris des prostituées et des vendeurs à la sauvette, des policiers tatillons et autres chauffeurs de taxi bourrés, parce qu'en Russie, on boit pas qu'de la tisane de verveine (même si j'te la recommande, c'est vraiment bon très peu infusé, au cas où tu l'saurais pas). Il nous insère aussi des passages anthropologiques (excuse-moi du gros mot, j'voulais dire son avis pas bête du tout) sur les portes en Russie (ne ris pas, c'est très sérieux !), le Temps et d'autres trucs que j'ai vraiment estimé au point que ça pourrait très bien figurer dans une étude ethnologique. Je pourrais dire la même chose de Balzac, donc tu vois le pédigré.

    Le voyage date de 2001, mais le livre est auto-édité en 2010. Tout le monde l'a refusé, et pourtant, le réseau de l'écrivain est fourni. En postface, pas si navrante que ça, l'auteur raconte par le menu, sèchement comme une chronologie de manuel d'Histoire (ce qui la rend encore plus efficace, car pas besoin de geindre pour toucher, au contraire) ce que ceux qu'il considérait comme des partenaires fiables lui ont fait, leur façon lâche de refuser son manuscrit, dont la fabrication et l'envoi ont dû lui coûter pas mal, vu le nombre de vaut-riens à qui il l'a envoyé. Tu n'imagine pas la bassesse de tous ces gens à son égard, toutes les méchancetés minables qu'on lui a faites. Déjà que récemment il avait été victime d'un plagiat de la part d'un sagouin de bas étage. Bref, c'est pas à lui que je demanderais de jouer au Loto pour moi (je suis déjà la malchance personnifiée aux jeux).

    Alors, toutes ces noises pour quoi ? Pourquoi ces accusations grotesques et indignes d'obscénité, de vulgarité ? Eh bien, m'est avis la chose suivante : Rivron a dû toucher juste. Sans le vouloir, il a mis le doigt là ou ça faisait et fera toujours mal : la vanité. Et ça a fait d'autant plus mal que ç'a été fait sans la moindre exagération, SANS MALVEILLANCE aucune, et avec autant d'honnêteté et de modestie réelle que de panache tout français... et avec humour !

    Rivron s'en défend par une pudeur de vierge sous quelques gros mots, mais dans ce livre, il est du bon côté (malgré une BD caca blasphématrice de jeunesse). Il assume tout sans se draper dans des mensonges ou des ombres flatteuses. Il sait qu'il pèche de temps en temps, mais c'est pas un méchant.

    Alors comment ne pas rire devant les attaques basses et pour tout dire minables d'un chanteur français miteux connu autrefois pour sa voix de castrat et que le sieur Rivron a croqué trop "vrai d'nature" ? Tu veux des noms ? Désolé, mais c'est pas l'genre de la maison. Ici, on donne le nom des gens qu'on respecte. Et Rivron, vois-tu, c'est plus que ça (et je passe à la première personne pour ça) : je l'admire, en tant qu'écrivain (d'abord), et j'ai une certaine estime pour lui en tant que personne.

    Va pas croire que j'te ponds cette tartine parce que c'est mon pote ou qu'il m'a régalé à coup de pinard ou de livre gratuit. Non, on s'est jamais vus (enfin, j'ai vu sa trogne sur son site et il a vu ma mine de ravi sur une page où je t'engage à acheter mes livres afin que j'atteigne et dépasse mon objectif de vente annuelle de 10 exemplaires). J'ai acheté le sien bien honnêtement, et je t'invite à en faire autant, parce que c'est pas des politesses de blog qui vont nous aider à faire vivre nos familles. Alors sois sympa, clique ici et sois un homme (ou une femme, c'est selon, libre à toi) (et t'arrête pas à la couverture... J'ten prie).

  • Publication d'Ascension 最初の短編集

    Edit : je suis en train de travailler à la première partie d'Ascension. Le recueil sortira en version intégrale sous peu.

    Je ne fais cette fois pas dans le bon ordre, et c'est la deuxième moitié du recueil, en fait les nouvelles 2 ("Partir") et 3 ("L'exploitation nihiliste") sur trois que je commence à sortir, la nouvelle 1 ("La garce") n'existant qu'à l'état de tapuscrit (tapé à la machine !). Les lecteurs attentifs connaissent déjà "Partir", disponible depuis des années en libre téléchargement dans la colonne de droite. C'est l'histoire d'un jeune homme voyageur dans l'âme qui ne rêve que de devenir voyageur en vrai. Dit comme ça, c'est moyen, mais dans le texte, c'est un peu mieux.

    Quant à "L'exploitation nihiliste", c'est un récit baroque de science fiction complètement extrême, violent, peut-être un peu drôle, et métaphysique (attention, je sors les grands mots).

    C'est le moment pour le lecteur de voir où je veux en venir et où je conclus, avant d'avoir droit au "début", si l'on peut parler ainsi de trois textes indépendants.

    J'engage le lecteur à en acheter un exemplaire pour lui et, comme il ne manquera pas d'être enchanté (on peut toujours rêver), d'en acheter un autre pour offrir. C'est du mécénat littéraire à petite échelle, mais c'est l'affirmation d'un idéal : subsister sans être dans le giron des grands, de gré ou de force.

  • Un jeune prêtre, mon premier roman 私の最初の小説『若い神父』

    Je publie aussi mon premier roman, écrit il y a déjà quelques années. C'est LA priorité dans ma vie. Je suis enfin un écrivain qui fait des livres.

    C'est ici et dans la colonne de gauche.

  • Relire Léon BLOY

    Cette année, j'ai donné ce texte extrêmement difficile à mes étudiants de niveau avancé.
    Combien de Français connaissent aujourd'hui Léon Bloy ? Trop peu, je le crains. Et pourtant, il mérite plus que jamais d'être redécouvert.

    Plutôt qu'un copier-coller, je préfère encore vous renvoyer à Lisieux pour vous en faire une idée par vous-mêmes. Ici.

    Longtemps, le "Je vais voir papa" m'intriguera.

  • Chouans ? バルザックの作品における「シュアン」(反革命主義者・国王支援者)とコランタンでか

    Fort occupé par des activités de traduction mais aussi et surtout en raison de ma paresse (dont je suis le premier à me plaindre), j'ai délaissé ma chère littérature, mes petites histoires. Pourtant, je n'ai pas cessé de lire. Je me suis même mis à lire beaucoup, je dirais presque goulûment si je ne lisais pas si lentement. J'ai une lecture par balayage. Je lis deux fois chaque paragraphe. C'est comme un réflexe. La première lecture laisse des couleurs, une esquisse d'image, et la seconde amène du sens. J'ai toujours lu comme ça. Je lis plus lentement que pas mal de gens, mais ce que je lis, je le retiens peut-être mieux et le saisis plus en profondeur que bien des "lecteurs rapides". Très souvent, j'arrive à retrouver un passage en me rappelant s'il était en haut ou en bas de la page de gauche ou de droite. Étrange petite faculté qui ne me sert pas si souvent.

    Bref Après Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes, qui continuent et closent le "cycle de Vautrin", me voici dans Les Chouans qui, à l'inverse, ouvre La Comédie humaine et introduit le personnage de Corentin. Déplaisant dans Une ténébreuse affaire, mais déjà doué, le voilà en Incroyable directorien et déjà limier. Cet alter-ego de Jacques Colin alias Vautrin est un des personnages les plus profonds de Balzac, un personnage à la fois plus vrai que nature, et tellement bien rendu par l'écriture balzacienne qu'il est une preuve de ce que l'intelligence romanesque peut faire de mieux. Jamais Balzac n'aura su, à mon sens, aussi subtilement glisser sa désapprobation morale pour un personnage dont il approuve et soutient la cause. Il est ce que l'homme Balzac ne veut pas voir, mais ce que l'écrivain se délecte à décrire : un flic, un limier, un chien au flair hors pair, un traqueur qui se salit les mains, qui sacrifie sa vie privée (il dit lui même qu'il n'en a pas). Il préfigure un peu le policier de La promesse de Dürrenmatt qui plonge dans le puits de désespoir d'une affaire insoluble. Corentin, lui, réussit aussi dans sa quête, mais si c'est très rapidement, en tout cas y perd-il son maître et son collaborateur estimé. En tout cas, voici comment il nous apparaît au tout début :

    "Un petit homme sec et maigre caracolait, tantôt en avant, tantôt en arrière de la voiture (...) Le costume de cet inconnu présentait un exact tableau de la mode qui valut en ce temps les caricatures des Incroyables. Qu'on se figure ce personnage affublé d'un habit dont les basques étaient si courtes, qu'elles laissaient passer cinq à six pouces du gilet, et les pans si longs qu'ils ressemblaient à une queue de morue, terme alors employé pour les désigner. Une cravate énorme décrivait autour de son cou de si nombreux contours, que la petite tête qui sortait de ce labyrinthe de mousseline justifiait presque la comparaison gastronomique du capitaine Merle (1). L'inconnu portait un pantalon collant et des bottes à la Souwarow. un immense camée blanc et bleu servait d'épingle à sa chemise. Deux chaînes de montre s'échappaient parallèlement de sa ceinture ; puis ses cheveux, pendant en tire-bouchons de chaque côté des faces, lui couvraient presque tout le front. Enfin, pour dernier enjolivement, le col de sa chemise et celui de l'habit montaient si haut que sa tête paraissait enveloppée comme un bouquet dans un cornet de papier. Ajoutez à ces grêles accessoires qui juraient entre eux sans produire d'ensemble, l'opposition burlesque des couleurs du pantalon jaune, du gilet rouge, de l'habit cannelle, et l'on obéissait à une fidèle du suprême bon ton auquel obéissaient les élégants au commencement du Consulat. Ce costume, tout à fait baroque, semblait avoir été inventé pour servir d'épreuve à la grâce, et montrer qu'il n'y a rien de si ridicule que la mode ne sache consacrer. Le cavalier paraissait avoir atteint l'âge de trente ans, mais il en avait à peine vingt-deux ; peut-être devait-il cette apparence soit à la débauche, soit aux périls de cette époque. Malgré cette toilette d'empirique, sa tournure accusait une certaine élégance de manières à laquelle on reconnaissait un homme bien élevé." (chap. 2)

    (1) "ce muscadin à qui on aperçoit à peine les jambes, et qui (...) a l'air d'un canard dont la tête sort d'un pâté".

    On voit, et l'on croit tout deviner du personnage à son apparence de jeune homme à la mode, et pourtant on ne sait rien. Car nul autre que lui (à part Vautrin) ne sait aussi bien cacher son intention profonde et manier le déguisement avec autant de brio.

    Plus loin, Corentin est comparé avec un jeune (premier) militaire de la marine en ces termes :

    "Autant l'oeil bleu du militaire était franc, autant l'oeil vert de Corentin annonçait de malice et de fausseté ; l'un possédait nativement des manières nobles, l'autre n'avait que des façons insinuantes ; l'un s'élançait, l'autre se courbait ; l'un commandait le respect, l'autre cherchait à l'obtenir ; l'un devait dire : Conquérons ! l'autre : Partageons ?" (chap. 2)

    L'un et l'autres sont amenés à faire de grandes choses, l'un par l'éclat dans la lumière, l'autre par la discrétion dans la fange. Mais au final, le limier aura servi la Justice, inflexible, fidèle à son maître envers et contre tout. C'est le plus intéressant, dans ma perpective.

    Dans une future note, je vous parlerai peut-être du Chevalier des Touches, du maître Barbey, le connétable des Lettres. Ou pas.