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Littérature 文学 - Page 9

  • Dantec sur France culture

    Hier, Maurice Georges DANTEC était l'invité de "Tout arrive" sur France Culture. Moi qui suis chez Haut et Fort, j'ai honte de le dire, mais je n'ai encore jamais lu un seul livre de cet auteur déjà culte de son vivant. Je crois que je vais sauter le pas. Je commencerai par un titre plus ancien (pour raisons financière et de place, les livres récents paraissant d'abord en grand format). Que me conseillez-vous ?
    J'ajoute que les passionnantes critiques du Stalker et du Transhumain m'ont décidé à sauter le pas.

    Ca n'était pas la première fois que j'entendais DANTEC, car j'avais déjà téléchargé une interview de lui sur internet. Mon impression est que sa diction hésitante ne traduit pas une confusion de pensées, mais peut-être une difficulté à redescendre au niveau du commun des journalistes et, tout simplement, à la fois une timidité et une humilité qui l'honore. Les vêtements parfois extravagants qu'il aime à porter ne me semblent être qu'une sorte de carapace symbolique comme aiment à s'en créer tous les timides.

    Ainsi donc, projets de lecture pour la rentrée : du DANTEC, du Renaud CAMUS, mais aussi quelques nouvelles fantastiques de BALZAC, du Robertson DAVIES, du Robert VAN GULIK, du DUMAS père...
    ... sans compter mes lectures "professionnelles".

  • Découvertes littéraires

    A défaut d'une note digne de ce nom (pour les raisons informatiques que l'on sait), voici pour le lecteur le résultat de mes dernières découvertes littéraires (qui sont donc aussi des conseils).

    Roger MARTIN DU GARD : Le cahier gris (Gallimard) : que le lecteur ne se laisse pas abuser par la collection pour lycéens (volume rempli de notes ineptes et idéologiquement orientées - je n'en dis pas plus), il s'agit là d'un authetique roman tout public, voire pour adultes, premier volume d'une saga familiale qui n'a rien de léger comme un feuilleton télévisé, mais d'une entreprise d'anaylse psychologique en contexte," Les Thibault".

    Leo PERUTZ : Seigneur, ayez pitié de moi (10/18) : j'avais déjà lu le formidable polar mystérieux, Le maître du Jugement Dernier, son chef d'oeuvre d'après les spécialistes, qui décrivait la société germanisée d'Europe de l'Est et présentait des personnages tous plus curieux et sombres les uns que les autres. L'enquêteur y cherchait un assassin obèse, mais il n'était pas au bout de ses surprises. Avec Seigneur, ayez pitié de moi, nous retoruvons cet univers, notamment avec la deuxième nouvelle ("Mardi 12 octobre 1916"), mais le décor présenté est la Russie communiste des débuts. D'autrs textes, en revanche, nous plongent dans des décors complètement différents, comme l'Italie rurale du XVIIIème siècle ("La naissance de l'Antechrist"). Le trait commun à toputes ces histoires, outre un style sobre, précis et maîtrisé, c'est cette capacité à nous surprendre toujours, avec un denoument parfois aux limites du fantastique.

    Marie HOLZMAN & CHEN Yan, dirigé par : Ecrits édifiants et curieux sur la Chine du XXIè siècle (l'aube / essai) : il s'agit d'un recueil d'essais rédigés par des écrivains contemporains, traduits par des personnes différentes, et ayant pour thème la liberté d'expression et les Droits de l'Homme. Nous sommes donc en face de textes contingents, en prise directe avec les problèmes de leur époque, et pas du tout universels. Probablement serviront-ils un jour de documents de référence aux futurs historiens de la pensée (Comment les intellectuels chinois réagissaient-ils à l'état des Droits de l'Homme dans les année 1990-2000 ?). Un livre qui ne manque pas d'intérêt, et dont je salue les excellentes traductions.

  • Le sabre du grimpant (VI)

    [Mes remerciements à MC-Croche 8 qui nous offre là un finale éblouissant.]


    Il fallait que l’empire exercé sur lui par son jeune secrétaire fût bien grand pour qu’il ait accepté sans dégoût l’idée d’une excursion dans la montagne environnante. Raul n’avait jamais été particulièrement sportif et cependant, à sa propre stupéfaction, il s’était entendu acquiescer avec enthousiasme à la proposition de Pierre Etienne d’aller jusqu’aux abords du col de Ruhewald.

    Tout de même… Depuis bientôt trois heures qu’ils marchaient sans trêve, Raul Bottello, sanglé dans son éternel costume de lin blanc avec aux pieds d’inconfortables mocassins vernis, commençait à trouver le temps long. Devant lui, cependant, la haute silhouette de Pierre Etienne Ancelin avançait souplement, sans efforts, à travers les saccades de l’étroit et caillouteux sentier qu’ils suivaient maintenant. L’ascension devenait franchement pénible et l’insolente facilité de son compagnon lui paraissait odieuse, ce d’autant plus qu’il ne pouvait parvenir à crier sa fatigue, entraîné comme « malgré lui » par le pas régulier et rapide de son jeune factotum.

    De celui-ci, le regard brouillé par l'effort, il ne distinguait plus qu’un sac à dos ondulant, à l’extrémité duquel émergeait la pointe effilée de ce qui paraissait être une longue canne de jonc.

    Tout à coup, soit qu’il eût dérapé sur une pierre trop lisse, soit que l’épuisement l’ait conduit hors du chemin, il se trouva brusquement précipité vers le vide et ne put s’agripper « in extremis » à une vieille souche que par un ultime réflexe de survie.

    « Au secours ! Pierre Etienne, au secours ! »

    Il hurlait de toutes se forces mais son compagnon, resté très calme, ne se précipita nullement vers lui…Tout au contraire, il entreprit, laissant Bottello complètement ahuri, de retirer avec des gestes solennels l’étui de ce que l’écrivain identifiait maintenant comme n’étant pas une canne mais un splendide sabre de combat… Il se livra ensuite à différents mouvements quasi « chorégraphiques », fendant l’air autour de lui avec une élégance et une précision diabolique tandis que Bottello continuait de hurler, moitié en portugais et moitié en français.

    Puis, s’avançant enfin vers lui avec douceur :

    « Ne soyez pas si agité… c’était inévitable, vous le savez bien…
    - Mais je ne sais rien ! vous délirez ! », glapit Raul
    "- Rappelez-vous les paroles de Maître Eusebio au terme du Pèlerin : celui qui a trouvé le sens du conte intime, celui là seul n’est plus le prisonnier de son destin… S’étant « réalisé » il peut donc disparaître, offert à l’éternel Amour… La lecture de vos derniers écrits me l’avait confirmé : vous aviez dépassé l’équilibre suprême ; j’avais mal de vous voir vous survivre aussi péniblement… Il fallait vous aider, presque contre vous-même à achever votre mission »
    « Mais il est dingue, il est complètement dingue ! » songea Bottello dans un éclair panique, avant de poursuivre , véhément :
    « Mais pauvre C…, c’était du bloff, tout ça, du bloff je vous dis ! » (car l’accent portugais lui revenait instinctivement en ces circonstances extrêmes).
    « Du bloff » répéta pensivement Ancelin tandis qu Bottello, les yeux hors de la tête, continuait de hurler toutes langues mêlées… Puis soudainement illuminé : « vous voulez dire… du bluff ! » Et, après un silence, brusquement froid : « vous me faites beaucoup de peine… vraiment beaucoup de peine… » Retrouvant tout à coup le sourire, il ajouta, rayonnant : « mais suis-je bête ! ne nous avez-vous pas mis en garde contre les « rétro-démons du passé » ? Fernando Reis ne dit-il pas : protégez-moi contre moi-même si je faillis à ma mission ! ?… Soyez tranquille, vous n’aurez pas le temps de souffrir ! »

    Il y eut comme un sifflement dans l’air, une lueur fulgurante à reflets d’acier, puis un bruit sourd quelques secondes plus tard avant que le silence ne recouvre à nouveau l’aride paysage.



    ……………………………………………………………..



    Soutenu par une femme d’un age déjà certain, quelque peu opulente et dont la chevelure luisait de reflets mauves, le vieil homme s’engouffra, non sans mal, dans la grosse « Rolls » noire qui l’attendait devant l’hôtel.
    Une fois calé sur la profonde banquette de cuir brun, il ne put s’empêcher de suivre du regard un passant marchant à vive allure en direction de la gare. L’homme était jeune d’aspect, souple en ses mouvements, et n’avait pour seuls bagages qu’un modeste sac à dos sur lequel était fixé le fourreau d’une arme ancienne, d’origine asiatique selon toute vraisemblance. De sa main gauche, il tenait fermement un alpenstock de dimension modeste.

    « Igor ? » s’inquiéta son imposante compagne.
    Et, désignant du doigt l’homme qui s’éloignait, tandis que se ridait sa face d’un sourire silencieux, il murmura, les yeux brillants d’une lueur ironique : « Le sabrrre du grrimpant… »

    FIN

  • Le sabre du grimpant (V)

    " Maître Bottello, je suppose ? »
    Tiré en un instant de sa rêverie et levant rapidement les yeux, l’auteur charismatique eut la surprise de découvrir en face de lui un homme d’une étonnante juvénilité, grand, svelte, qu’on eut pu prendre pour un séminariste « à l’ancienne », cheveux courts bien peignés et fines lunettes à monture d’acier, n’était le tee-shirt immaculé (frappé, en son milieu, d’un cercle rouge) qu’on devinait sous une veste légère.

    Il émanait de lui une impression paradoxale de force et d’inflexible volonté en dépit d’un physique non pas gracile mais « délicat ». Les yeux, grands ouverts et nullement diminués par les verres correcteurs, vous regardaient bien en face, sans timidité comme sans arrogance. La bouche, aux lèvres minces, esquissait un sourire engageant où l’on ne pouvait découvrir aucune trace d’ironie déplacée.

    D’emblée, Raul Bottello se sentit en confiance, et cette confiance ne fit que croître durant la longue discussion qu’ils eurent ensuite et où il apparut que ce jeune homme, outre une belle apparence, possédait aussi une brillante culture dans les domaines les plus divers autant qu’une parfaite connaissance de son œuvre. De cela, il avait pu juger par les discrètes citations dont Ancelin avait su émailler son discours, révélant par là-même une fantastique compréhension des concepts essentiels de l’univers Bottellien. Ainsi de la notion de « conte intime », qui était au centre du Pèlerin initiatique : avec quelle finesse avait-il su la relier aux récits fondateurs de la littérature japonaise, au bouddhisme tantrique comme aux premiers principes de l’ésotérisme Maya… C’était éblouissant et combien stimulant ! Déjà, il sentait prendre forme en lui ce que pourrait être ce Mystère de l’éternel amour, vainement recherché jusqu’alors.

    Le soir même, Pierre Etienne Ancelin se voyait engagé comme secrétaire particulier et s’installait dans une petite chambre du Royal Swiss Palace, jouxtant la suite de Raul Bottello.


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  • Le sabre du grimpant (IV)

    De toute part affluaient des lettres de lecteurs reconnaissants, attestant l’influence prodigieuse de la pensée « Bottellienne » : « vous avez changé ma vie », « par vous j’ai trouvé la lumière », telles étaient les phrases les plus fréquentes relevées dans cette édifiante correspondance.

    Des « clubs » dédiés au « Bottellisme » ne tardèrent pas à se créer, aux Etats-Unis tout d’abord et dans l’espace anglo-saxon, puis dans l’Europe entière et jusqu’au Sri Lanka, ou l’effigie du brésilien voisinait quelquefois dans les temples avec celles de divinités boudhiques…

    On parla même de « miracles », de paralytiques gambadant après lecture du Pèlerin initiatique mais Jean-Édouard Dupont-Lehman, craignant une dérive qui pût être néfaste à sa propre maison, se refusa toujours à confirmer de telles rumeurs.

    D’autres livres suivirent bientôt, tels Le fleuve de la vie ou Le cœur secret de Fernando Reis, qui entretinrent la ferveur de ses admirateurs sans parvenir, toutefois, à égaler l’extraordinaire écho rencontré par le Pèlerin. Bottello, qui multipliait maintenant les conférences un peu partout dans le monde, sentait que son silence « éditorial » ne pouvait plus durer. Depuis deux ans on annonçait la suite de son premier ouvrage, Le mystère de l’éternel Amour, mais l’attente éperdue qu’elle avait suscité menaçait désormais de se muer en une sorte de frustration exaspérée, la publication en étant régulièrement repoussée.

    Il fallait réagir ! d’où Pierre Etienne Ancelin, son enthousiasme, sa culture et son « sang neuf ».


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