Axel prenait sa douche le matin, après manger. La salle de bains, ou plutôt "les bains", était située au rez-de-chaussée du bâtiment. Il s'agissait d'un vestiaire aux casiers vermoulus et sans porte, d'une petite salle avec des boxes sans la moindre porte, au système d'aération inoppérant depuis l'effondrement progressif du plafond qui avait amené le concierge à scotcher de vieux pieds de lit et une échelle sur les les montants desdits boxes, pièce qui donnait sur une autre, plus spacieuse avec un grand bassin entouré de douches sans la moindre cloison, qui dispensaient la seule eau froide que requiert l'hygiène spartiate du brave du pays du soleil levant. L'usage, collectif, répugnait à Axel, tout comme aux autres, d'ailleurs, mais contrairement à Fabien, qui se lavait en morceau devant son lavabo de chambre, à Guillaume, qui ne cachait pas son corps d'athlète aux autochtones envieux, ou à Pablo qui faisait sa toilette à des horaires de faible affluence (début d'après-midi), il prenait sa douche le matin, tout en s'efforçant de cacher sa virile nudité, qu'il réservait à sa vie privée. Il était donc devenu expert en maniement de serviette, et arrivait à la diposer au centimètre près sur le montant du box de douche situé à l'angle de la pièce, de façon à la faire pendre dans le sens de la longueur, afin de n'être pas vu. En outre, la nudité masculine lui était fort désagréable à voir. Tous ces derrières poilus, souvent boutonneux, ces devants disgracieux... Il détournait le regard, et pensait à autre chose.
Revenu à sa chambre, il prépara ses affaires et sortit, verrouilla la porte et, à tout hasard, alla frapper chez Pablo.
Ce matin-là, Pablo n'était pas encore parti. Il entr'ouvrit la porte et d'un geste hémi-circulaire de l'avant bras, la main à plat, qu'il ramena vers le haut de son torse, et avec un sourire, signifia le bonjour. Pablo était à peu près de la même taille qu'Axel, assez carré d'épaules, et s'habillait urbain, avec tee-shirt à manches longues et pantalon ample de jolie coupe. Axel appréciait son style, élégant et décontracté, bien que lui-même aimât à porter le costume de temps en temps. Les cheveux longs de Pablo légèrement emmêlés tombaient romantiquement sur son visage encore poupin, aux yeux pétillants d'intelligence. "Tu peux me donner cinq minutes, s'il te plaît ?", dit-il. Axel répondit d'un geste et d'une mimique, et retourna dans sa chambre prendre un paquet de mouchoirs en papier.
Quelques minutes plus tard, Pablo, le chef coiffé d'un bonnet bleu sombre enfoncé jusqu'aux yeux, vint frapper à sa porte, tout sourire. "On y va ?
- Allons-y". Et ils se mirent en route. Que le lecteur pardonne la trivialité de toutes ces descriptions : elles sont absolument indispensables à l'intelligence de la suite du récit. Quant à la pauvreté du dialogue ci-dessus, eh bien disons que si l'on avait signifié aux intéressés que leur conversation serait retranscrite telle quelle, peut-être auraient-ils fait quelque effort, ou peut-être aussi n'auraient-ils rien dit du tout !
"- Hier, Guillaume n'est pas venu en cours, fit Pablo alors qu'ils descendaient tranquillement l'escalier.
- Comment aurait-il pu ? rétorqua Axel en le regardant de côté, il avait sa série à finir ! T'es marrant, toi.
- Et moi, qu'est-ce que je suis censé dire à Mme SETÔ ?
- Bah rien. Dis-lui que tu ne l'as pas vu.
- C'est ce que j'ai fait jusqu'à présent.
- Bien, alors continue. Et Fabien ?".
Ils enfilèrent leurs chaussures dans l'entrée et après avoir salué le concierge, quittèrent la résidence.
"- Fabien ? Pas vu depuis deux semaines. Silence radio depuis l'incident.
- Je vois. Moi non plus, pas vu depuis trois semaines, mais il faut dire qu'avec mon travail, je n'ai pas le temps de voir grand monde."
Il est important de noter ici qu'Axel était le plus âgé du groupe des Français, et ne suivait aucun cours avec les autres. Il menait ses diversees recherches avec application, était toujours très pris, et de toute façon n'avait pas envie d'importuner "les jeunes", ni de faire du "jeunisme" pour s'en faire aimer.
Devisant politique et littérature, avec parfois des instants de silence qu'ils goûtaient également, ils cheminèrent jusqu'à la gare. A mi-chemin, ils croisèrent une fourgonnette blanche qui arrivait à toute vitesse, chose inhabituelle à Toda, ville dortoir de la banlieue de Tôkyô où les seuls véhicules à se faire remarquer étaient les Cadillac achetées à prix d'or par le gang local, en fait une bande de petits rigolos plus préoccupés par l'achat de vêtements, de CD et d'accessoires hip-hop, que de jouer aux gangsters. Mais Axel et Pablo ne firent pas référence au véhicule et en trois secondes, l'avaient déjà oublié.
Cinquante minutes plus tard, ils arrivaient à leur université où ils se séparèrent.
A la pause de midi, Axel sortit et tomba sur Guillaume. "Ah tiens, ça va ?" Guillaume faisait une mine inquiête.
- Oui, mais Fabien n'a pas l'air d'aller très fort.
- Ah bon ?! Qu'est-ce qu'il a ?
- Ce matin, j'étais en train de fumer sur le balcon et j'avais la main posée sur son climatiseur, lorsque je l'ai vu sortir, furieux, et il a commencé à me crier après, comme quoi je serais en train d'affaisser le dessus de son climatiseur, alors que je le touchais juste de la main, comme ça.
- Ah bon ?
- Oui. Alors je lui ai dit : Fabien, tu vois bien que je n'affaisse pas la paroi de ton climatiseur. Et là, tiens-toi bien, il me fait : c'est pas la première fois que tu me fais chier, texto !
- Il t'a dit ça ?
- Oui. Alors moi, je lui réponds polîment : Fabien, sur quoi est-ce que tu te bases pour me dire ça ?
- Oui, bien sûr...
- Et lui, il me répond complètement à côté, me dit qu'il en a marre et qu'il a mal à la tête, qu'il doit se coucher car il n'AURAIT pas fermé l'oeil de la nuit. Remarque, là, tout bien considéré, je veux bien le croire, vu tout le bruit qu'il y avait. En tout cas, il était tout blanc, avec des cernes sous les yeux et il avait mauvaise haleine.
- Il a peut-être quelque chose... Sans parler du climatiseur.
- Oui, et je commence à m'inquiéter pour lui", fit Guillaume avec mansuétude.
[A suivre ! Dans le prochain épisode, un nouveau pesonnage fera son apparition et vous découvrirez ce qu'est le Furûtsu.paradaizu...]
Lire le chapitre 3
2005 Au fil de la plume 日記 - Page 15
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Toda of the Dead (2)
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De Salluste
"Il eut toujours des lumières très justes sur le bien et sur le mal."
Charles de BROSSES, Président au Parlement de Dijon
"Salluste se met en scène, et (...), en se faisant à contre-temps moraliste, il ne blesse pas seulement le goût, il ment encore à la vérité, et veut se donner le masque de vertus qu'il n'a pas ; comme Sénèque, qui écrivait sur la pauvreté avec un stylet d'or, il prêche la morale au milieu des richesses, fruit de ses déprédations."
François RICHARD, 1933
Aujourd'hui, pas de réflexion, juste une citation qui constitue une petite pierre de plus à ma mini anthologie de la littérature mondiale. Auteur découvert par hasard, Gaius Sallustus Crispus (87 avt. J.C. - 36 avt. J.C.) semble avoir mené une vie fort active, physiquement (campagnes militaires peu glorieuses), mais surtout intellectuellement (c'est un avocat, un historien et un moraliste) et socialement (carrière politique pleine de renversements, avec des "affaires" dont il ne sort pas grandi) et, quoi qu'il en dise, n'avoir pas dédaigné les plaisirs matériels de le vie (il est chassé du Sénat pour "immoralité"). Ce texte offre des réflexions menées par une certaine idée d'un idéal moral, fait de sobriété et d'ascétisme, mais cette contradiction (ou cette réécriture autobiographique, tentative d'induire en erreur les générations futures sur ce que fut sa vie) ne doit pas nous faire dédaigner une oeuvre majeure qui n'a cessé d'être lue.
En supprimant les noms propres, on est en outre frapé par l'actualité de tels textes, comme souvent, d'ailleurs, chez les Anciens.
"I. - L'homme a tort de se plaindre de sa nature, sous prétexte que, faible et très limitée dans sa durée, elle est régie par le hasard plutôt que par la vertu. Au contraire, en réfléchissant bien, on ne saurait trouver rien de plus grand, de plus éminent, et on reconnaîtrait que ce qui manque à la nature humaine, c'est bien plutôt l'activité que la force ou le temps. La vie de l'homme est guidée et dominée par l'âme. Que l'on marche à la gloire par le chemin de la vertu, et l'on aura assez de force, de pouvoir, de réputation ; on n'aura pas besoin de la fortune, qui ne peut ni donner ni enlever à personne la probité, l'activité et les autres vertus. Si, au contraire, séduit par les mauvais désirs, on se laisse aller à l'inertie et aux passions charnelles, on s'abandonne quelques instants à ces pernicieuses pratiques, puis on laisse se dissiper dans l'apathie ses forces, son temps, son esprit ; alors on s'en prend à la faiblesse de sa nature, et on attribue aux circonstances les fautes dont on est soi-même coupable. Si l'on avait autant de souci du bien que de zèle pour atteindre ce qui nous est étranger, inutile, souvent même nuisible, on ne se laisserait pas conduire par le hasard ; on le conduirait et on atteindrait une grandeur telle que, loin de mourir, on obtiendrait une gloire immortelle.
II. - L'homme étant composé d'un corps et d'une âme, tout ce qui est, tous nos sentiments participent de la nature ou du corps ou de l'esprit. Un beau visage, une grosse fortune, la vigueur physique et autres avantages de ce genre se dissipent vite, tandis que les beaux travaux de l'esprit ressemblent à l'âme : ils sont immortels. Tous les biens du corps et de la fortune ont un commencement et une fin : tout ce qui commence finit ; tout ce qui grandit dépérit ; l'esprit dure, sans se corrompre, éternellement ; il gouverne le genre humain, il agit, il est maître de tout, sans être soumis à personne. Aussi, peut-on être surpris de la dépravation des hommes qui, asservis aux plaisirs du corps, passent leur vie dans le luxe et la paresse, et laissent leur esprit, la meilleure et la plus noble partie de l'homme, s'engourdir faute de culture et d'activité, alors surtout que sont innombrables et divers les moyens d'acquérir la plus grande célébrité.
III. - Mais, parmi tous ces moyens, les magistratures, les commandements militaires, une activité politique quelconque ne me paraissent pas du tout à envier dans le temps présent ; car ce n'est pas le mérite qui est à l'honneur, et ceux mêmes qui doivent leurs fonctions à de fâcheuses pratiques, ne trouvent ni plus de sécurité, ni plus de considération. En effet recourir à la violence pour gouverner son pays et les peuples soumis, même si on le peut et qu'on ait dessein de réprimer les abus, est chose désagréable, alors surtout que toute révolution amène des massacres, des bannissements, des mesures de guerre. Faire d'inutiles efforts et ne recueillir que la haine pour prix de sa peine, c'est pure folie, à moins qu'on ne soit tenu par la basse et funeste passion de sacrifier à l'ambition de quelques hommes son honneur et son indépendance.
IV. - Aussi bien, parmi les autres travaux de l'esprit, n'en est-il pas de plus utile que le récit des événements passés. Souvent on en a vanté le mérite ; je ne juge donc pas à propos de m'y attarder, ne voulant pas d'autre part qu'on attribue à la vanité le bien que je dirais de mes occupations. (...)
J'ai souvent entendu dire de (...) grands citoyens romains que, en regardant les images de leurs ancêtres, ils se sentaient pris d'un ardent amour pour la vertu. A coup sûr, ce n'était pas de la cire ou un portrait qui avait sur eux un tel pouvoir ; mais le souvenir de glorieuses actions entretenait la flamme dans le coeur de ces grands hommes et ne lui permettait pas de s'affaiblir, tant que, par leur vertu, ils n'avaient pas égalé la réputation et la gloire de leurs pères. Avec nos moeurs actuelles, c'est de richesse et de somptuosité, non de probité et d'activité, que nous luttons avec nos ancêtres. Même des hommes nouveaux, qui jadis avaient l'habitude de surpasser la noblesse en vertu, recourent au vol et au brigandage plutôt qu'aux pratiques honnêtes, pour s'élever aux commandements et aux honneurs : comme si la préture, le consulat et les autres dignités avaient un éclat et une grandeur propres, et ne tiraient pas le cas qu'on en fait de la vertu de leurs titulaires. Mais je me laisse aller à des propos trop libres et trop vifs, par l'ennui et le dégoût que me causent les moeurs publiques..."
Salluste, Guerre de Jugurtha
Pour en savoir plus :
Les Oeuvres complètes de SALLUSTE :
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/salluste/intro.htm
L'affaire Catilina : sur un ton journalistique, la passionnante chronique de l'affaire comme un fait d'actualité, par une classe de... 6èmes !
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/itinera/travaux/aff_cat/aff_cat_default.htm#anc01
La guerre avec Jugurtha, au Maghreb (aspect archéologique et géographique) :
http://www.jugurtha.com/page4.html -
Toda of the Dead (1)
Tidit tidit tidit !!!... "Arghhh.... " Axel allongea la main vers la montre et le téléphone portable tous deux placés au-dessus de sa tête, tous deux également réglés sur 6 heures et demie. Il parvint à éteindre le téléphone, et il se disait qu'il passerait volontiers quelques minutes supplémentaires au lit, lorsque ce fut au tour de la montre de se déclencher. Pidididip, pididip, pididip, pididip ! "Arghhh... " refit-il encore, et il désactiva la sonnerie qui avait entériné son réveil, comme chaque jour sauf le dimanche. La douche fermait de neuf heures à midi, pour entretien, sauf le dimanche, et Axel mangeait lentement. Aussi n'y avait-il autre chose à faire que de prendre son parti, et d'adapter son métabolisme. Il était loin de se plaindre - Axel n'était pas un geignard - de ce nouvel horaire, qui lui convenait certes mieux que celui du premier semestre, qui l'obligeait à se lever une heure plus tôt pour être en cours à 9h. Non seulement Axel mangeait lentement, mais en plus le trajet jusqu'à l'université lui prenait une heure...
Il s'assit sur son séant et fit quelques étirement, laissant son dos craquer, agréable sensation, mais surtout nécessaire préalable à toute journée passée hors de son lit, ce qui semblait être son cas depuis des années. Puis il se leva d'un bond, se prépara et s'habilla. Il quitta sa chambre, prenant soin comme toujours de refermer à clef derrière lui, et il alla frapper deux portes plus loin, sans trop insister. Il avait remarqué que plus il tapait fort, plus Pablo arrivait tard au réfectoire. Comme chaque matin, il fit un crochet par les toilettes. Ce jour-là, comme presque toujours, la fenêtre située au dessus des urinoirs était ouverte, et systématiquement, Axel jetait un coup d'oeil dehors, content qu'un peu d'air frais vint se substituer aux senteurs de la pièce. En face de lui, fumant, se dressait le Furûtsu.paradaizu.
Axel aimait bien l'odeur du savon japonais, et notamment du savon liquide du dortoir. C'était toujours un plaisir, pour un garçon tel que lui, à l'hygiène scrupuleuse, que de faire usage de savon, à plus forte raison si l'odeur lui plaisait. Ayant apporté avec lui l'objet rendu indispensable du fait du mode de vie local, une serviette éponge, il s'en servit consciencieusement en se dirigeant vert le réfectoire. Lorsqu'il poussa la porte, sa serviette était pliée dans sa poche. Il prit un plateau, y plaça les assiettes auxquelles il avait droit, et se dirigea vers une table où un jeune homme à coupe afro, mince, vêtu d'un tee-shirt à manches longues bleu, avait commencé son maigre repas. "Salut la France", lui lança-t-il. Sur quoi Guillaume lui répondit du même ton "Euïss" (ce qui veut dire "Salut" dans le langage des jeunes hommes japonais).
Axel s'assit, et comme tous les matins, demanda à son compatriote "Alors, quoi de neuf ?" Sur quoi :
"- Bah, rien de spécial. J'ai regardé dix épisodes de Haibané renmei cette nuit".
- Ah...
- Tu vois de quoi je parle ?
- Euhh...
- Mais je t'en ai déjà parlé !! Enfin !
- Oui, mais bon, j'ai d'autres choses à penser, aussi.
- Haibane renmei, la confédération des ailes cendrées, voyons !
- Ah oui..." (Bah tiens ! Pensa-t-il.)
- Oui, tu sais, les personnages qui ressemblent à des humains avec des ailes. D'ailleurs, dans l'épisode 27, il y a une scène avec un plan trop bien fait qui est une véritable leçon de cinéma. Si tu voyais les étapes d'animation..."
Axel n'écoutait plus. Il était occupé à transférer le plus discrètement possible le contenu d'une assiette (qui serait suivie d'une coupelle) dans un morceau de film plastique, opération délicate et risquée, mais qui lui permettait d'économiser un déjeuner chaque jour, six fois par semaines. Et cela valait la peine de risquer de s'attirer la colère du concierge, dont on entendait justement la femme piailler d'une voix à la fois plaintive et stridente.
Axel s'appliqua ensuite à dédoubler, au moyen de son couteau personnel qui ne lui avait coûté que cent yens, mais qui n'en valait pas plus, vu qu'il coupait le minimum syndical, à dédoubler, dis-je, une tranche de pain de mie humide, l'aliment de base de ses petits déjeuners, après l'avoir coupée en quatre petits carrés. Guillaume continuait son cours quotidien de techniques de l'animation, et Axel marmonnait un "Ah ouais ?" de temps en temps. Lorsqu'il eut fini, il alla porter ses fines tranches de pain de mie jusqu'au grill qu'il lança, et revint s'asseoir. Là, il fit face à Guillaume, qui reprit son histoire au mot, en milieu de phrase où il l'avait laissée, et la termina.
"Sinon à part ça, ça va ? Lui demandé Axel sans le regarder, jetant un oeil désintéressé sur la télévision située près de lui, et qui semblait ne diffuser que de la publicité, entrecoupée de programmes affligeants de stupidité, où des panels de pipôles s'extasiaient sur des nouilles banales et où des toutous faisaient le bonheur de leurs maîtres en donnant la papatte ou en allant chercher le journal qu'un père de famille silencieux lirait en diagonale avant de s'attarder sur la page des sports, et celle de la pin'up, l'air inexpressif.
"- J'ai pas dormi de la nuit. Je sais pas c'qui s'passait, au Furupara" (c'est ainsi qu'ils appelaient entre eux le Furûtsu.paradaizu), mais y'avait un d'ces boucans ! J'étais trop bla-sé ! Alors j'ai lancé Vampire Hunter D pour la 78ème fois, et là, lorsque je suis arrivé à la scène où..." Axel décrocha encore. A ce moment là, le grill dinga, et il se leva. Pour aller chercher ses tranches.
"Au fait, il a pas cours, c'matin, Fabien ?" lança Axel de l'autre bout de la salle.
[A suivre]
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Réflexions caduques
[note supprimée]
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Emprise progressive (4)
Raphaël chercha rapidement du regard une place discrète dans le train. Fumeur ou pas, il s'en moquait. Plus rien de ce qui l'agaçait ou l'amusait n'avait désormais d'importance. Sa jambe le faisait de plus en plus souffrir. Le nerf qui la parcourait semblait rempli de cire chaude, et la sensation de saturation qui en découlait remontait le long de son tronc, irrigant les flancs, jusqu'au cou. Bon sang, vite ! Que je m'assoie, pensait-il. Et les passagers qui montaient, ne le dévisageaient-ils pas ? N'étaient-ils pas intrigués par sa claudication suspecte ? son visage transpirant ? son regard trop perçant ? Combien de personnes allaient-elles monter dans ce wagon ? Il lui semblait que cet incessant flot de monde, grouillant, n'en finissait plus d'alourdir le véhicule qui devait, pour un temps, l'éloigner de Paris et de ce qu'il y avait laissé. Pourquoi tous ces visages riants autour de lui ? Pourquoi cette joie absurde ? ces cris, ces pseudo-conversations ? ces habits de camping ? Cette population grossièrement bovine, piaffant d'impatience d'arriver à son lieu de villégiature beauf semblait le frapper pour la première fois. Ils ne savent pas ! Ils ne savent rien ! Ils ne cherchent pas à savoir ! Et pourtant ça a déjà commencé ! pensait-il, alors qu'il sentait sa jambe en feu.
Le train s'ébranla. Enfin, c'est pas trop tôt ! se dit-il, légèrement soulagé, mais toujours dans le même état psychologique. Ses yeux faisaient de fréquents allers et retours entre les rangs de fauteuils, l'allée, les bagages déposés au-dessus des têtes... Tout semblait normal. TOUT SEMBLAIT NORMAL.
Ne pas tourner en rond. Ne pas tourner en rond. Ne pas tourner en rond.
Pour tenter d'oublier sa jambe, Raphaël regarda par la fenêtre. C'était la banlieue parisienne. C'était laid, mais pas trop. Des nuages apparaissaient çà et là. Le ciel était serein. Pas d'orage en vue. Une nuée d'oiseaux passait calmement au dessus des plaines.
Raphaël essayait toujours de se calmer. Il plongea son visage dans ses mains quelques instants et s'efforça de respirer plus lentement. Il sentait l'artère de son cou battre violemment, et quiconque y aurait prêté attention eut remarqué qu'effectivement elle était saillante, et en aurait pu suivre les pulsations énergiques. Il resta bien cinq minutes ainsi, concentrant son esprit sur ses mains, son souffle, sa jambe qui le lançait. J'irais bien faire un tour aux toilettes pour voir l'aspect qu'elle a à présent, songeait-il.
Je repense à l'histoire du l'enfant qui tuait des chats, aussi, j'y reviens. Dans son enfance, l'enfant qui tuait des chats subit un dangereux traumatisme psychologique. Il faisait de nombreux cauchemars. Sa mère s'en alarma et l'envoya consulter un pédo-psychologue. Le brave homme ne parvint pas à déterminer, au bout de deux rendez-vous payés par les services sociaux, ce qui arrivait au garçon. Il ignorait tout des chats, ainsi que la pauvre mère, dépassée par les évènements. Et pourtant, elle aurait très bien pu se douter de ce qui provoquait ces mauvais rêves, dans lesquels...
"Excusez-moi, la place est libre ?". Raphaël sursauta...
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