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Séjours au Japon 日本 - Page 7

  • D'un essai bien moyen ou la confusion du samouraï (II) オード・フィエスキの『サムライの画面』という随筆について (続)

    medium_Le_masque_du_samourai.gif[Relire la première partie]
    La façon même dont on écrit le mot révèle l'intention que l'on a, et les nuances peuvent être sensibles. Le samurai historique, le serviteur guerrier, tel qu'il apparaît dans les ouvrages sérieux ou littéraires, s'écrit en idéogramme. Lorsqu'il s'agit de lui donner une allure plus littéraire encore, ou plus poétique, voire sentimentale, on l'écrit en hiragana (l'un des deux alphabets syllabiques japonais). En revanche, lorsqu'on traduit des ouvrages occidentaux qui parlent des "samouraïs" au sens de nobles guerriers, on l'écrit en syllabaire katakana, de même lorsqu'on l'emploie en tant que concept, et c'est aujourd'hui l'orthographe statistiquement la plus employée. Ce sens de "noble guerrier" existe effectivement, même en japonais, mais il s'agit d'un sens dérivé, et secondaire, et les dictionnaires ne s'y trompent pas, qui le placent en deuxième position (par exemple le Kôjien 『広辞苑』, dictionnaire de référence de la langue japonaise).
    Ces considérations, qui me semblent importantes, sont absentes de l'essai d'Aude FIESCHI, qui est censé traiter le sujet en profondeur, et c'est à mon sens une lacune grave, que personnellement je n'aurais pas passée à mes étudiants.
    Autre faute grave, selon moi : le plan adopté pour 'louvrage : un plan en sept chapitre. Il eut été plus scientifique et plus pertinent d'opter pour un plan "à la française" en deux parties, deux sous-parties, ce qui permettait de souligner les oppositions et les complémentarités et aurait permis de juger d'une réelle problématique (qui m'a l'air bien difficilement décelable ici), plutôt qu'un assemblage hétéroclyte de chapitres pouvant être lu dans le désordre. A aucun moment, on ne sent que l'auteur veut nous entrainer quelque part. Ce ne sont que des anecdotes historiques, parfois littéraires, intéressantes par ailleurs, mais sans vraiment de fil conducteur. Et on n'a plus l'impression d'avoir à faire à un gloubiboulga qu'à une travail de spécialiste. C'est bien ça le problème : la recherche en documents fut riche, mais la rédaction hasardeuse. Plus grave encore, le "masque", qui figure dans le titre, n'occupe au final qu'une faible place, dans l'introduction et le dernier (court) chapitre. A quoi bon, alors, le mentionner dans le titre ? De même, les longs passages sur l'Histoire, tous dans le désordre chronologique, et rarement situés par des dates (idem pour les personnages : un sur dix a la chance d'avoir des dates), ne peuvent que causer la confusion du lecteur non spécialiste, comme si l'on était confronté aux mêmes types de personnages sur un millénaire. D'ailleurs, la référence finale aux tokkô-tai 特攻隊, les escouades spéciales (pilotes "suicidés", dits "kamikazes" en France, du japonais kamikazé 神風, vents divins) est traitée trop en longueur et déséquilibre l'essai.

    Enfin, dernière critique, toutes les références sont françaises (fort bien) ou anglaises. Où sont les références originales ? Etrange ! Serait-ce que l'auteur ne parle pas suffisamment bien le japonais, ou un choix vicieux de l'éditeur ? Lorsqu'elle cite DO'I Takéo, lauteur reprend l'exécrable traduction française (faite à partir de l'anglais, bien que l'éditeur semble s'en défendre, alors qu'il est évident que le traducteur a commis des anglicismes en français) et la mauvaise traduction du concept d'amaé 甘え : elle nous parle d'"induglence", alors qu'il s'agit précisément de "réclamation de sollicitude". c'est confondre l'objet désiré avec le désir lui-même. Or l'amaé est un désir, pas un objet, et tant que cette traduction fautive circulera, les auteurs qui s'en serviront seront entrainés dans l'erreur, et le malentendu s'approfondira !
    Un élément m'incite à penser qu'effectivement, l'auteur ne connaît pas grand chose à cette langue : le lexique de fin de volume. Aucun mot écrit en japonais : uniquement des transcriptions. Bizarre. Et quand on regarde au mot "yoroi", on trouve la définition suivante : "type d'armure". Or, que je sache, yoroi 鎧 signifie "armure" tout court. Quand on écrit par exemple un livre sur les chevaliers anglais ou les oeuvres de CHAUCER, le minimum demandé est de parler l'anglais, il me semble. Ce ne serait pas le cas avec les Japonais ? Quelques jolies illustrations et une absence de mots dans la langue originale révèlent-ils plus de respect pour le pays et d'exactitude scientifique que le contraire ?
    Ce livre a un côté "arts décoratifs" des plus exotiques !

    Au final, même si, je le répète, il contient des histoires intéressantes tirées de sources les plus diverses (journaux intimes, oeuvres littéraires, discours d'hommes politiques etc.), cet essai fait l'effet d'un catalogue mal maitrisé, ou plus exactement d'un mémoire de maîtrise ou de master mal dirigé et mal corrigé. Une sorte d'exemple à ne pas suivre d'utilisation désastreuse de connaissances (de seconde main ?) pourtant étendues.
    En bref, lisez-le pour les anecdotes, indépendamment les unes des autres, mais si vous ne savez pas remettre les informations dans le bon ordre, vous risquez d'en sortir encore plus embrouillés qu'avant d'y avoir touché.

    Si le lecteur veut se faire une idée de ce qu'étaient, par exemple, les samurai à la fin de l'époque d'Edo, il en trouvera une belle illustration dans le film de YAMADA Yôji, Tasogare Seibei 「たそがれ清兵衛」 (Seibei le Crépusculaire), plus connu sous les titres de The Twilight Samurai ou Le samouraï du crépuscule, réaliste et pas prétentieux. Ou même la série animée Samurai champloo, qui, entre deux anachorismes assumés et comiques, présente des informations vraies sur la société de la fin de l'époque d'Edo.

    S'il passe à l'étape supérieure qui est la lecture, outre celle des classiques guerriers que sont le Dit de Hôgen, celui de Heiji, et celui des Heike, ou encore le Taiheiki (il n'en existe pas encore de traduction française, mais la traduction anglaise est très bien), le lecteur se reportera avec profit à des ouvrages écrits de nos jours, et je ne saurais trop conseiller parmi eux celui de François et Mieko MACE, Le Japon d'Edo (ed. Les Belles Lettres) sorti assez récemment (2006) ou les ouvrages de Jean CHOLLEY, spécialiste de la littérature et de la société japonaises d'avant Meiji, comme ses traductions commentées d'IHARA Saikaku (Du devoir des guerriers, ed. Gallimard) ou de senryû 川柳 (poèmes comiques) érotiques (Haiku érotiques, éd. Picquier poche), ou la consultation en bibliothèque du classique de Vadime et Danielle ELISSEEFF : La civilisation japonaise (éd. Arthaud).

    Note : 4/10 

  • D'un essai bien moyen ou la confusion du samouraï オード・フィエスキの『サムライの画面』という随筆について

    Parmi les clichés concernant le Japon, celui qui revient le plus fréquemment est le samouraï. Et encore faut-il savoir de quoi l'on parle en utilisant ce mot, ou plutôt LES mots, mis à notre disposition par les langues française et japonaise. Car il faut savoir de quoi l'on parle pour éviter les malentendus, et ici, ils sont assez nombreux, semble-t-il, et ce même à la lecture de l'ouvrage d'Aude FIESCHI, Le masque du samouraï, paru aux éditions Philippe Picquier en 2006 et que j'achetai un jour avec méfiance. Curieusement, l'auteur attend la page 55 avant de définir et d'expliquer ce qui est désigné chez elle par le terme français de "samouraï". Ici, je n'attends pas, et je définis sur le champs de quoi je parle, et ajoute des précision à ce qui m'apparaît comme une présentation sommaire tirant à hue et à dia.
    Le mot japonais samurai さむらい, qui s'écrit "侍" en caractère chinois (idéogramme) et parfois "士", vient du verbe japonais classique saburafu さぶらふ [侍ふ] (prononcé plus tard "saburau"), et qui signifie "servir" (un maître). Le nom commun samurai désigne donc un serviteur, mais de type particulier, appartenant à la classe sociale des guerriers, les bushi 武士. Rappelons que les privilèges des classes sociales, rigides, furent abolis et l'égalité devant la loi proclamée en 1871. Auparavant, il existait quatre classes (shi-min 四民) et une "hors classe". Nous avions, du haut en bas de l'échelle sociale : la noblesse de Cour (kuge 公家) et les guerriers (bushi) ; les paysans (hyakushô 百姓) ; les artisans ( 工); les commerçants (shônin 商人). Les "hors classe" comprenaient les comédiens, les prostituées et les hinin 非人 ("non-humains") : les burakumin 部落民 (parias détenant le monopole des métiers en rapport avec la mort : abattage et tannerie), les voleurs, les Aïnous (ethnie autochtone de Hokkaidô) etc.  Les unions entre les riches propriétaires terriens et les guerriers étaient rares, mais possibles, et l'annoblissement des enfants nés de ces unions, automatique. Un autre moyen pour les paysans de devenir des guerriers était de devenir champions de sumô 相撲, chose très rare ! Les mariages avec toute classe en dehors de celle des guerriers (donc paysans, artisans et commerçants, soit 85 pourcents de la population du Japon avant 1871) étaient beaucoup plus faciles.
    Bref, le samurai était un serviteur, formé aux armes, mais pas nécessairement expert en la matière, ni riche, ni toujours bien élevé. Il n'était donc pas un daimyô 大名 (seigneur féodal), ni un bushô 武将 (chef de guerre, général local), encore moins le shôgun 将軍 ("généralissime" gouvernant le pays à la place de l'empereur), ce qui élimine la pertinence de nombre de gravure insérées dans l'ouvrage en question, et représentant de hauts personnages du gratin guerrier.

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  • Nouveaux liens 新しいリンク

    A tout hasard, je signale au lecteur de nouveaux liens dans la section sur le Japon, ainsi que dans ma colonne de gauche, ou parmi les personnes qui m'ont fait confiance. Bonne lecture.


  • Portes (grandes ? ) ouvertes ? リョン第三大学の公開日

    Après le Salon de l'étudiant, me voici engagé pour la journée portes ouvertes de l'université. Il va me falloir faire la publicité de la section de japonais. Combien d'émules vais-je faire ?...

  • Traduction inédite 『日本霊異記』の説話の紹介と翻訳

    Le Nihon ryôiki (Chroniques des singularités spirituelles du Japon), abréviation de Nihon-koku gempô zen-aku ryôi-ki 『日本国現報善悪霊異記』 (Relation des choses miraculeuses et étranges concernant la rétribution du bien et du mal dès cette vie présente, arrivées au pays du Japon) (rédigé par Kyôkai fin VIIIème – début IXème siècle, s’inscrit dans un genre moins fertile certes que la littérature en kana, mais qui produisit d’immenses chefs d’œuvres : le recueil de contes bouddhiques d’édification (setsuwa 説話) qui ne sont pas sans présenter des analogies avec les exempla latins dont les plus célèbres sont ceux de la Légende dorée de Jacopo da Varazze (Jacques de Voragine). Suivront le Konjaku monogatari-shû 『今昔物語集』 (Histoires qui sont maintenant du passé) (première moitié du XII 7ème siècle et sa suite, l’Uji shûi monogatari 『宇治拾遺物語』(Supplément aux contes d’Uji), tous deux anonymes, mais vraisemblablement œuvres collectives.
    Contrairement à la littérature de Cour (écrite en kana) mettant en scène essentiellement des nobles, la littérature bouddhique montre toutes les classes sociales, des plus riches et puissants (empereurs, ministres) aux plus humbles (mendiants, animaux), en passant par Kyôkai lui-même, moine de rang élevé qui n’a pas peur de dépeindre ses doutes et ses souffrances. Incontestablement œuvres de spiritualité et d’édification, ces textes n’en sont pas moins destinés à être lus au peuple, et le Nihon ryôiki, écrit en kambun, lorsqu’il est lu, est parfaitement compréhensible par tout un chacun. En effet, si les textes circulaient dans les monastères et les maisons de la noblesse, ils n’en étaient pas moins lus au peuple en séances publiques.
    Les nouvelles que réunit le Nihon ryôiki sont brèves (une dizaine de lignes en kambun). Le style en est simple, sans fioriture, mais pas sans répétitions. Parfois, un détail historique permet de situer l’action dans l’espace et/ou dans le temps.
    Certains contes trouvent leur origine dans la mythologie chinoise, d’autres dans le folklore local.
    Quelle que soit leur origine, ces histoires nous fournissent des détails concrets sur la vie et les souffrances auxquelles étaient confrontés les hommes de l’époque.
    Le Nihon ryôiki comporte trois livres (kan 巻).



    Pourquoi, sans cœur miséricordieux, faisant porter de lourdes charges à son cheval,

    dans ce monde il obtint une mauvaise rétribution

    Livre I, XXI

    Autrefois, il y avait dans la province de Kawachi un homme (/une personne) qui vendait des melons. Son nom était [=Il s’appelait / On le nommait] Isowaké. Il faisait porter à son cheval des charges qui dépassaient ses forces. Quand il ne pouvait plus avancer, il le fouettait et le frappait violemment. Epuisé par ces lourdes charges, [l’animal] répandait des larmes des deux yeux [=pleurait à chaudes larmes]. Lorsqu’il avait fini de vendre ses melons, il tuait alors le (/ce) cheval. Ainsi, cette pratique de la mise à mort était fréquente [=Il lui arrivait fréquemment de tuer ainsi ses bêtes]. Mais un jour, [alors qu’]Isowaké s’était un peu [approché pour] regarder une marmite [remplie d’eau] en ébullition, ses (deux) yeux furent brûlés par la vapeur qui en sortait. La « rétribution de son vivant » (gempô) est très proche [=arrive très rapidement]. Il convient de croire au karma (/aux causes et aux effets). Quoique l’on voit des animaux, ce sont [peut-être] [=Voyez les animaux : qui nous dit que ce ne sont pas] nos défunts parents. [ ?] Les Six Voies (Rokudô)[1] et les Quatre [types / formes de] vie (Shishô)[2] [sont] les catégories (/demeures) où nous (re)verrons le jour. Pour ces raisons, on ne saurait manquer de miséricorde !



    [1] Les Six voies (Rokudô 六道) : du moins élevé au plus élevé : démon infernal (jigoku 地獄) ; ogre affamé (gaki 餓鬼) ; animal (chikushô 畜生) ; primitif combatif des souterrains et du fond des mers (ashura 阿修羅) ; humain (ningen 人間) ; être céleste (ten ).

    [2] Les Quatres [types de] vie (Shishô 四生) : vivipare (taisei 胎生) (homme et animaux en général) ; ovipare (ransei 卵生) (oiseaux ; poissons) ; les êtres qui naissent dans l’humidité (shissei 湿生) (papillon de nuit ; ver) ; la génération spontanée avec transformations (kasei 化生) (êtres célestes (shoten 諸天) ; êtres infernaux (jigoku no mono 地獄のもの)).