Toutes les deux ou trois semaines, je me rends dans une pizzeria dont la particularité est d'offrir un buffet à volonté pour 1500 yens (15 €) de jour, et 2000 Y (20 €) le soir, prix raisonnable vu le repas proposé. Les pizzas sont délicieuses, les pâtes sont bonnes, on trouve d'excellentes pommes de terres coupées en rondelles, panées et frittes à l'américaine sur lesquelles je jette quelques gouttes de Tabasco™. La salade est une merveille (dans un pays où, rappelons-le, les fruits et légumes, surtout occidentaux, coûtent très cher) (j'en reprends toujours), les desserts sont simples et légers : on ne les sent pas passer (des fruits en boite, des fruits au yoghourt, de la gelée japonaise (plus dure et caoutchouteuse que la gelée anglaise : j'adore) et du flan aux oeufs. J'ajoute à cela que le service est très bien, avec des jeunes filles souriantes et dynamiques. Et le décor ressemble à un ranch (!) avec du jazz qui swingue. Bref, j'aime bien. Les clients sont soit des jeunes, soit des familles, soit des femmes adultes entre copines. C'est agréable, et on ne se fait pas de souci pour le portefeuille qu'on laisse dans sa veste pendant qu'on va se resservir (chose inimaginable en France). A chaque fois, je mange plus que de raison, mais je compense en jeûnant le repas suivant.
Encore un endroit que je regretterai en rentrant.
Heureusement, il me reste les bouchons de la rue des Marronniers !
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Note caduque.
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Danse de rue et pin-up musclée
Après SENDÔ Masumi, j'aimerais présenter une précédente découverte qui m'avait presque autant enthousiasmé, mais pour des raisons différentes. Il s'agit Yasumin no Dance 『ヤスミンのDance』 (La danse de Yasmine), une sorte de roman en bande-dessinée, donc une oeuvre courte (deux volumes), destinée au public le plus large, essentiellement jeune. L'auteur, SAKURAGI Yukiya 桜木雪弥, s'était fait un peu connaître par une série assez bien pensante, Mai.hômu Mirano 『マイホームみらの』 (Mirano chez moi), l'histoire d'une jeune gouvernante bien faite de sa personne, romantique et pleine de bons principes qui tombait amoureuse du fils de ses patrons. (15 volumes).
Avec Yasumin no Dance, nous découvrons l'univers de la rue et plus précisément de la danse hip-hop. Yasmine est une adolescente brésilienne qui débarque habiter au Japon chez sa grand mère japonaise, une femme rigide qui lui impose une formation classique de jeune fille de bonne famille, avec port du kimono et cérémonie du thé. Mais la jeune fille est indépendante et a la bougeotte. Elle aime la danse. Formée dès son plus jeune âge à la capoeira, elle ne rêve que de devenir une bonne danseuse hip-hop de rue. Sur sa route, des jeunes vont la suivre, la former et la défier. Et bien sûr, l'héroïne persévérante finira gagnante des compétitions et respectée de tous.
Contrairement à SENDÔ Masumi dont le scénario m'avait séduit, ce qui m'a attiré tout d'abord chez SAKURAGI, c'est le dessin, une sorte de sommet dans le style manga (si tant est qu'on puisse parler d'un "style manga", en tout cas un style typiquement japonais, avec des personnages aux yeux disproportionnés), fin, détaillé, maîtrisé, donnant bien l'impression de mouvement. On voit que l'auteur s'est documenté sur son sujet. Il dit avoir consulté des vidéo et des revues. Peut-être a-t-il même travaillé d'après photo pour chaque pose. (Le slogan du manga est d'ailleurs : "Riaru.sutorîto.dansu.komikku リアル・ストリート・ダンス・コミック" (Bande-dessinée de danse de rue réelle), même s'il s'agit d'une fiction (c'est écrit en petit à l'intérieur). Tout cela est crédible (presque toujours), et vraiment à la fois sportif et gracieux. Yasmine est un personnage visuellement splendide (difficile de faire mieux dans le style manga : peut-être HAGIWARA Kazushi dans Bastard ou TSURUTA Hirohisa dans Natsuki Crisis, pour moi les deux sommets du style manga, dans lequel je ne range pas des auteurs trop personnels comme OOTOMO, SHIROW, IKEGAMI, TANIGUCHI, AMANO... ), et les "plans culotte" sont présents presque à chaque page, ce qui n'a pas empêché l'auteur de s'appliquer quand il dessinait les kimonos. Aucune vulgarité, pas de sexe (chez cet auteur un peu puritain) et une morale basique du noble effort récompensé.
Bref, on l'aura compris, pour moi, l'intérêt, qui est loin d'être négligeable, de cette petite oeuvre, est essentiellement graphique. Les dialogues n'ont pas grande importance et le scénario tient sur une serviette en papier.
Mais quel enchantement visuel !
Yasumin no Dance, (2 volumes) éd. Shûeisha (décidément !), 2001. -
Identité et rapport à l'autre
ou esquisse de notes fragmentaires sur une question fondamentale mais très subtile
(extraits)
Parmi les problèmes qui m’agitent, il en est un en particulier que je tiens à présenter ici : il s’agit de l’identité et du rapport à l’autre, termes peut-être vagues vu la multitude de sens qu’on a plaqués dessus, mais à mon sens primordial, car la plupart des interrogations philosophiques, sociologiques, anthropologiques, historiques et juridiques en découlent.
C’est dès lors qu’on aura une certaine idée de soi ou de l’autre qu’on sera accessible à l’enseignement d’une morale, quelle qu’elle soit. Sans chercher à remonter rationnellement, selon une démarche scientifique, au nœud du problème, je voudrais ici coucher sur le papier quelques réflexions qui me sont venues de deux sources : mes études en langue japonaise et l’écoute de l’émission d’Alain FINKELKRAUT, « Réplique » (...).
I / Bref, pour revenir à le question de l’identité et du rapport à l’autre, c’est en entendant (...) parler du Loft que j’ai fait le lien avec des questions qui m’intéressent particulièrement. Pour moi, le langage reflète l’idée, le concept et l’identité. Le langage pauvre des lofteurs reflète leurs idées primaires, leur identité superficielle et leur rapport à l’autre. Comment des gens incultes au point de ne pouvoir maîtriser la langue de leur propre pays pourraient-ils se sentir Français, quand leur patrimoine leur est, sinon inconnu, du moins non porteur de sens, car ils n’en possèdent pas les clefs et leur éducation (je ne veux pas accepter l’idée d’une bêtise biologique) ne leur a pas donné l’envie d’aller les chercher, à défaut de ces clefs elles-mêmes ? Pas étonnant que ces jeunes lofteurs, représentatifs à tort ou à raison d’une jeunesse majoritaire, se sentent davantage appartenir à des sous-groupes, des « tribus », non forcément géographiques, comme le hip-hop, la variété internationale, etc., détachés des bases de la culture[1], indissociables de l’Histoire des peuples, les deux constituant les riches identités des nations qui se connaissaient paradoxalement mieux, tout en se sentant étrangères (ou « autres »), l’une par rapport à l’autre, et ayant à ce titre des échanges plus riches que ceux qu’on voit dans le Loft ou sur les forums de discussion d’Internet. Un Français parlant allemand et maîtrisant ses classiques (sans aller jusqu’à avoir fait ses humanités) avait autrefois avec un Allemand parlant français et maîtrisant les siens des échanges beaucoup plus riches qu’aujourd’hui un Français et un Allemand ignorants de leur culture propre (sans parler de la culture de l’autre) et s’entretenant en anglais. Le phénomène de « culture de masse » — qu’on aime ou non ce terme, l’usage l’a adopté, et nous le conservons ; il en vaut bien un autre — au sens d’ensemble de phénomènes sociaux liés à la consommation de masse de produits largement diffusés, sinon presque toujours mis sur le marché par des firmes nord-américaines, souvent calqués ou en tout cas fortement inspirés par le modèle américain commercial ; bref, cela, lorsqu’on s’y limite, c’est à dire lorsque les fast food représentent le seul horizon culinaire, la pop music, le hip-hop le seul horizon musical et les bloc busters le seul horizon cinématographique, sans parler de l’ignorance quasi-totale en matière de sculpture, de littérature, d’architecture etc., lorsque donc la culture de masse représente la seule culture pour les personnes, elles croient se comprendre et se retrouver dans le « village planétaire », mais cette rencontre et cette compréhension sont fortement limitées à l’étroitesse de ce champ mental que cette culture de masse, en elle-même, borne. Et, à défaut de partager des idées, des informations dignes de ce nom, les partenaires en présence tentent de créer une camaraderie artificielle fondée sur cette culture de masse commune et des émotions simples : c’est ce qu’ils appellent « être dans le même délire ».
Ce sont toujours, sinon les mêmes mots, du moins les mêmes idées, qui reviennent : c’est bien (au sens de cela me plaît), c’est nul (au sens de cela ne me plaît pas) et je veux (je désire). Tout est donc jugement hâtif et superficiel (faute de critères de qualité objectifs, tout se limitant à l’intérêt immédiat, puéril) et désir. Et là, le « désir mimétique » découvert par le sublime GIRARD joue pleinement.
Mais il arrive, phénomène rare mais existant néanmoins, que des esprits incultes veuillent sortir de leur inculture afin d’enrichir leur identité, je distingue trois types d’attitudes, qui peuvent se succéder.
1/ La plus simple est de se tourner vers le folklore du lieu géographique où elles se trouvent, ont passé leur enfance, sont nées ou bien où leurs parents ou aïeuls ont vécu et dont ils ont plus ou moins parlé. Mais qu’est-ce que le folklore, cette « science du peuple », sinon la culture de masse[2] à l’échelle d’un village ou d’une région, figée le plus souvent pour la France au XIXème siècle, notamment pour la musique et les costumes. Certain va connaître et s’enrichir de l’origine de telle farandole locale, mais va négliger de découvrir l’héritage gréco-romain et judéo-chrétien qui imprègne bien plus ces mêmes lieux, où, autrefois, une référence à Oreste, à Charles Quint ou à Esaü était porteuse de sens, sans aller jusqu’à être pleinement connue.
2/ La seconde étape est l’intérêt pour l’Histoire, d’abord locale, puis nationale et internationale, voire ensuite pour d’autres sciences humaines (le Droit, la sociologie, l’économie…). Ces domaines, très riches, parfois infinis (le Droit), ne sont cependant pas suffisants pour avoir la perception la plus juste, les idées les plus nombreuses et l’identité la plus riche, sans parler de la connaissance de celles des autres nations et cultures. En effet, celui qui avait étudié la farandole de sa région, pour reprendre mon exemple précédent, va vouloir se mettre à l’étude de l’Histoire locale (le bailliage, les relations avec le seigneur…), qui va l’amener à l’Histoire nationale : les notions de chevalerie, de seigneur, de domaine, l’organisation des pouvoirs publiques etc. Son champ de vision, grâce à l’Histoire, va s’ouvrir, et il va se découvrir de nouveaux points communs avec ses compatriotes qui sont issus du même contexte socio-historique. Toutefois, il ne pourra pas comprendre, et à plus forte raison concevoir et exprimer les raisons intellectuelles qui poussaient les hommes du passé à vivre de telle ou telle manière. La philosophie du Droit, base du droit ; les religions judéo-chrétiennes (dans le contexte européen) base de la morale, du Droit canonique, des arts et de la pensée pendant des siècles ; les arts (la peinture comme réflexion sur la place de l’homme dans le monde et expression de théories et de sensibilités, où fourmillent les sujets historiques et mythologiques ou religieux) ; la musique polyphonique qui occupe l’esprit non seulement avec l’air global qui s’en dégage, mais avec chaque ligne musicale, chaque partie qui y concourt, et tant d’autres choses : disciplines, œuvres, artistes, penseurs et leurs idées etc. lui échappent encore et il conserve un certain malaise devant des faits du passé qui, bien qu’il ait conscience de leur existence et dont il connaisse certains modes de fonctionnement, ne lui parlent toujours pas.
3/ C’est là qu’intervient la troisième étape. C’est la découverte de ce que j’appelle la « culture » au sens strict (Kultur en allemand avait ce sens il n’y a pas si longtemps), par opposition à la culture au sens large qui signifie mœurs et pratiques sociales. La culture stricto sensu, on l’aura compris, est constituée des arts et lettres (musique écrite savante, peinture, sculpture, architecture non uniquement fonctionnaliste, littérature…), des philosophies et des religions.
Il est manifeste que les sciences humaines et la culture se sont nourries et construites l’une grâce à l’autre, et que le folklore y a souvent puisé. Bien sûr, cet ordre d’étapes est un ordre logique, théorique. On peut suivre un ordre différent : pour ma part, j’ai suivi l’ordre strictement inverse dans la découverte de mon pays (la France), alors que j’avais suivi l’ordre rationnel (non tellement par choix que par suite de la conjoncture, pour ce qui est, par exemple, le Japon et la Chine.
II / Comme je l’ai déjà dit, l’une des composantes essentielles de l’identité est la langue. Aussi, la langue parlée ou la langue modifiée est-elle un révélateur du sentiment d’appartenance. Ainsi deux phénomènes linguistiques sont-ils particulièrement révélateurs à cet égard : l’introduction de mots nouveaux pour désigner des référés (objets ou faits) nouveaux ; et la modification du vocabulaire existant pour désigner des référés préexistants. Nous donnerons des exemples tirés du monde riche non anglophone.
1/ Lorsqu’un nouvel objet ou une nouvelle idée fait son apparition, il est normal de vouloir le ou la nommer, et d’ensuite (ou concomitamment) établir des distinctions lexicales, des sous-groupes de ces nouveaux objets. La création de mots nouveaux, en français, procède de trois manières différentes : soit un emprunt pur et simple à l’étranger, ce qui est massivement le cas aujourd’hui en français avec des mots anglais, et cet emprunt peut ensuite déboucher sur une adaptation ou une francisation, un japonisation (ainsi par exemple, l’emprunt beefsteak (tranche/ escalope de bœuf) a été peu à peu transformé en « bifteck », de même en japonais avec la « katakanaïsation » de mots venus aujourd’hui massivement de l’anglais, par exemple keybord (clavier) qui a donné キーボード (kîbôdo)) qui, par une modification syntaxique et/ou phonétique, appauvrit le mot en masquant en partie ou totalement son étymologie d’origine (ainsi, bifteck masque la combinaison beef + steak (bœuf + tranche) en donnant un mot global qui ne porte plus cela en lui, de même le japonais キーボード qui ne laisse plus percer ni le son d’origine, ni la racine du mot (key + board (clef, touche + planche, tableau) ; soit une traduction dans la langue d’arrivée du mot composé ou de l’expression étrangère qu’on a décidé d’emprunter (comme par exemple gratte-ciel, qui est une traduction littérale de l’anglais sky-scraper) ; soit, enfin, une création, soit ex nihilo (notamment pour les mots qui procèdent d’onomatopées comme le « ping-pong »), soit à partir d’éléments préexistants ( c’est la technique de création classique des langues occidentales à partir de racine gréco-latines, comme par exemple cinématographe, qui vient de kinêma (mouvement) + graphein (dessiner, écrire) ou pour le japonais la création de mots japonais à partir de caractères chinois, comme par exemple 経済 (keizai), économie, à partir de deux caractères chinois : kei (en chinois jīng) (texte, classique, longitude, règle constante) et sai (en chinois jì) (finir ; arranger, ordonner)).
Le fait qu’on privilégie l’emprunt pur et simple par rapport à la traduction ou à l’invention, d’une part, et que cet emprunt soit, dans les langues que je cite, majoritairement fait à l’anglo-américain d’autre part amène à s’interroger sur la capacité d’adaptation des nations et sur leur sentiment d’appartenance à une culture étrangère à la culture anglo-américaine. Ne pas chercher à faire appel aux ressources de ce qu’on appelait jadis le génie de sa langue, révèlerait une « haine de soi », particulièrement marquée dans nos pays riches non anglophones, particulièrement en Allemagne, en Grèce et au Japon tout autant qu’une fascination, tantôt obséquieuse, tantôt faussement rebelle, pour le grand maître du monde que sont les Etats-Unis d’Amérique.
2/ La question problématique de l’américanisation progressive des langues ne peut que se poser encore plus fortement lorsqu’on considère le phénomène de substitution de mots anglais aux mots locaux. (…)
Nous trouvons aussi un phénomène à mi chemin entre le problème des nouveaux mots et celui du remplacement des mots locaux par des mots venus de l’anglo-américain, phénomène particulièrement aigu au Japon : la faible évolution du champ lexical. En effet, au lieu de faire évoluer le champ lexical d’un mot japonais en lui faisant représenter une réalité nouvelle, on préfèrera recourir à l’emprunt à partir de l’anglais. En voici quelques exemples. Auparavant, lorsqu’il s’agissait de désigner une porte, le japonais recourait au mot 戸 (to). Il s’agissait de portes japonaises traditionnelles. Lorsque le Japon a adopté l’architecture à l’occidentale, notamment ses portes et qu’il s’est agi de les désigner en japonais, au lieu de faire évoluer le sens de to, on a préféré prendre le mot anglais door, qui est devenu ドア (doa). De même pour ce qui est des ustensiles de cuisine, le couteau s’appelle ナイフ (naifu, de knife), la cuillère スプーン (supûn, de spoon), le tablier エプロン (epuron, d’apron). Qu’on ne me fasse pas croire que ces ustensiles n’existaient pas avant la découverte de la langue anglaise. Seulement, ils existaient sous une forme un peu différente, et l’évolution de leur forme a suffi aux Japonais pour qu’ils décidassent d’abandonner le mot qui désignait cette vieille forme. Les mots, en particulier les noms communs, n’ont de nos jours au Japon q’une durée de vie assez brève. A chaque évolution de la technique, il faut changer de mot, et une porte, qu’elle soit en bois, en métal, ronde ou carrée, plutôt que d’être définie par un adjectif comme en français, portera en japonais un nom différent. C’est ainsi que les mots to (porte) et 前掛け (maekake) (tablier) sont de moins en moins utilisés (réservés aux demeures traditionnelles) et que le mot 包丁(hôchô) (couteau) n’est plus utilisé que pour évoquer les gros couteaux de cuisine. Ce refus de ne pas faire évoluer le champ lexical des mots est entrain de couper le japonais de ses racines et de son identité, en en faisant un futur pidgin coupé même des racines de l’anglais et de sa richesse, à cause des katakana, qui transcrivent en un faible nombre de sons une grande variété de sons que comporte l’anglais et font perdre au mot sa graphie orthographique. Un exemple de plus est fourni par l’informatique, où le mot マウス (mausu), de l’anglais mouse) est le seul mot qui a été trouvé pour désigner la souris, appelée ainsi, rappelons-le, à cause de sa vague ressemblance de forme avec l’animal du même nom. Pourquoi le japonais a-t-il refusé de faire désigner par 鼠 / ネズミ (nezumi) cet ustensile ? Les Japonais auraient compris comme tout le monde la ressemblance que j’ai indiquée. En outre, le terme mausu n’évoque pour les Japonais, en général, que l’objet en plastique et non un mot polysémique comme l’anglais mouse. Que constatons-nous donc ? Que le japonais se coupe de ses racines. Que ses mots indigènes, en n’évoluant pas, tombent dans l’obsolescence et disparaissent, relégués dans les dictionnaires d’archaïsmes. Que l’anglais, réservoir quasi inépuisable de nouveaux mots, y perd, coupé de ses racines orthographiques, de sa richesse phonétique, et de sa polysémie. Car l’anglais, pour faire plein sens, a besoin de ses sons et de sa graphie, tout comme le chinois a besoin de ses idéogrammes. Le japonais est en train de devenir la langue qui se coupe le plus de sa logique, du sens, et de la polysémie. Trop de mot chasse le mot. Trop de mot mène, au quotidien, à parler plus simplement, trop simplement. Dans un pays où il est de bon ton de remplacer 催し物 (moyooshi mono), événement, par イーベント (îbento), de l’anglais event, on finira par ne plus utiliser les anciens mots porteurs de sens pour les remplacer par les mots de sens appauvri. (...)
[1] Terme que je définirai plus loin.
[2] Pris au sens large, sans la dimension commerciale constitutive de la culture de masse d’aujourd’hui.
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Coup de coeur - le Stalker
J'aimerais aussi conseiller à tous ceux qui savent lire en utilisant leur cerveau le dernier article du Stalker, brillant comme d'habitude.
Lisez, lisez, il en restera toujours quelque chose.